ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Guillaume Sabourin
Cette routine implacable sera bouleversée lorsque la fille de Floyd (Soleil Launière), enlevée à son père par les services sociaux suite à la mort de sa mère presque vingt ans plus tôt, lui écrira pour lui annoncer qu’elle vient le visiter. Les mauvais souvenirs réprimés remonteront à la surface, tant chez Floyd que chez Quêteux, et auront des conséquences dévastatrices sur le fragile équilibre des amis.
La première production de la compagnie Menuentakuan, Muliats, avait été pour nous une très agréable surprise. Pour leur deuxième effort, c’est un texte de Kevin Loring qui a été choisi, et c’est Charles Bender qui signe sa traduction et la mise en scène. Pour la petite histoire, il est utile de souligner que Bender a tenu le rôle de Quêteux («Mooch» dans la version originale) en 2009, et que le projet de monter la pièce au Québec l’a hanté dès cet instant.
Avec comme thématique l’impact des pensionnats, on se doutait bien que le ton n’allait pas être aussi léger que celui de Muliats.
Les émotions fortes sont au rendez-vous, et même si on n’explore pas en long et en large les blessures psychologiques liées au déracinement atroce vécu par des milliers d’enfants autochtones, ce geste de colonialisme sauvage dont les échos sont encore très présents de nos jours est un puissant ressort dramatique devant lequel même les comédiens ont du mal à rester impassibles.
Parmi toute cette noirceur et cette masculinité, c’est littéralement le Soleil qui vient illuminer l’existence de ces grands écorchés, qui excellent pour assurer leur subsistance en forêt mais qui sont incapables de dialoguer franchement et simplement avec les femmes de leurs vies. Soleil Launière, tout d’abord, qui fait figure d’espoir pour Floyd, mais surtout la performance rien de moins qu’extraordinaire de Tania Kontoyanni, qui habite son personnage avec une rare intensité, passant d’une harpie colérique à une intarissable source d’amour en un clin d’œil, véritable source de chaleur dans ce microcosme qui en a drastiquement besoin.
C’est toujours pour l’auteur de ces lignes un immense plaisir de voir l’imposant Marco Collin en action. Homme de peu de mots, bourru et sympathique, l’artiste gagne à être connu et personnifie ici toute la force et la fragilité dont peuvent faire preuve les colosses blessés d’un peuple sans âge.
Le cœur au ventre de l’ensemble aide largement à pardonner les quelques maladresses rythmiques du récit, et l’expérience est complétée par la musique toujours juste, choisie par Moe Clark, qui évoque à la fois la nostalgie d’une époque plus glorieuse et l’immense tourment de tout un peuple.
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Par Guillaume Saboutin
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