Littérature
Crédit photo : Tous droits réservés
Quelle rencontre d’auteur vous a le plus marquée lors du Salon du livre de Montréal?
«Mes éditeurs le savent: je vais toujours un peu à reculons dans les salons. Cependant, une fois installée au kiosque, en leur compagnie, la tension se relâche.»
«J’éprouve toujours un sentiment indéfinissable face aux lecteurs. Comme si je voudrais parvenir à palper cette passion secrète qui les anime et les propulse à un stand pour faire l’acquisition d’un ouvrage. Pour comprendre sans doute mon propre rapport aux livres. J’ai beau écrire, cette fébrilité qui s’empare de moi quand je m’apprête à m’installer avec un bon livre, ou l’angoisse qui me saisit quand je risque d’en manquer demeure un mystère. Voilà ce qui m’intéresse dans cette relation aux livres.»
«Les rencontres, aussi, qui nous permettent de démystifier cet aspect cérébral de l’écrit. Comment oublier ma conversation un jour, au Salon du livre de Montréal, avec Atik Rahimi, l’auteur de ce roman époustouflant Syngué Sabour: Pierre de patience. L’homme est humble, il est beau. Il ne joue pas un rôle. Il est là, campé simplement dans son désir d’une parole à partager. Pour cela, il écrit. Il a un rire et un sourire qui vous remuent jusqu’au tréfonds de l’âme. Il vient d’un pays en guerre, l’Afghanistan, pays dévasté, pays à genoux. Il rit et écrit. Syngué Sabour est son troisième roman, écrit directement en français. Il obtient le Prix Goncourt pour cet ouvrage dans lequel il donne la parole à une femme pour faire entendre celle de toutes les femmes meurtries dans le silence et par le silence. Il fait naître dans ses entrailles une parole libre, dans un pays qui condamne hommes et femmes au silence.»
«Syngué Sabour: Pierre de patience est de ces livres que je referme avec regret en me disant: «Est-ce possible d’écrire de si beaux textes?» Il en est ainsi de certains livres que je tourne et retourne dans mes mains, incapable de leur trouver la place idéale sur les rayons d’une bibliothèque. De ces livres, enfin, qui m’habitent pour toujours, ainsi que leurs auteurs. Il est rare de les croiser. Mais ce jour-là, au Salon du livre de Montréal, pour moi, c’était jour de fête.»