«Un si gentil garçon» de Denis Lavalou à l'Usine C – Bible urbaine

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«Un si gentil garçon» de Denis Lavalou à l’Usine C

«Un si gentil garçon» de Denis Lavalou à l’Usine C

Le poids de la conscience

Publié le 11 novembre 2017 par Sara Thibault

Crédit photo : Théâtre Complice

Difficile de trouver un spectacle autant d’actualité que l’adaptation que fait Denis Lavalou du roman de Javier Gutiérrez, Un si gentil garçon. Alors que les dénonciations d’inconduites sexuelles se multiplient sur toutes les plateformes médiatiques, la pièce présentée à l’Usine C traite de culture du viol, de prédateurs sexuels et d’agressions non dénoncées.

À la fin des années 1990, à Madrid, Polo, Chino, Nathan et sa sœur Bianca forment un groupe de rock alternatif passionné par Tricky, Jane’s Addiction, Pixies, Yo La Tengo et Nirvana. Un soir, après un concert, sous l’influence de la drogue et de l’alcool, la soirée dérape. Quinze ans plus tard, Polo rencontre Bianca par hasard dans la rue, ce qui fait remonter chez lui des souvenirs horribles jusqu’alors bien enfouis.

Par des retours en arrière, des réflexions rétrospectives, des rencontres chez le psychologue, le spectateur arrive à reconstituer le fil des évènements de cette soirée fatidique et à distinguer la vérité du mensonge. On apprend la vraie nature de Polo, Chino et Nathan, qui utilisent régulièrement le Rohypnol pour endormir des filles et les violer à leur insu. Ainsi, les victimes ne gardent peu ou pas de souvenirs de ce qui s’est déroulé la veille et ne soupçonnent pas la perversion de certains hommes avec qui elles partagent parfois une grande intimité.

La manière avec laquelle l’auteur décrit le mélange entre attirance et répulsion que ressent Polo lorsqu’il se remémore les gestes qu’il a commis est particulièrement saisissante.

Quelles sont les répercussions que leurs viols peuvent avoir sur les victimes si celles-ci n’en ont pas conscience? Est-ce protéger les victimes que de leur cacher l’agression qu’elles ont subie? Peut-on se repentir d’avoir posé des gestes aussi terribles? Est-ce qu’un séjour en prison est assez dissuasif pour empêcher les violeurs de récidiver?

La force du spectacle est donc de faire réfléchir le spectateur à l’impact des actes commis par les personnages dans leur vie intime, mais aussi dans la sphère sociale.

Pour figurer la spirale hypnotique de la drogue et l’incapacité des hommes à réguler leur pulsion sexuelle, la performeuse visuelle Manon De Pauw crée des motifs abstraits sur une table lumineuse à partir de liquide coloré, de fumée, de poudre blanche, de papier ou de plastique. Ces manipulations sont exécutées en direct et reproduites sur une toile disposée à l’arrière de la scène, ce qui donne forme au trouble mental des prédateurs sexuels.

Côté jardin, trois musiciens (Jérémi Roy, Daniel Baillargeon et William Côté) confinés dans un enclos de plexiglas interprètent des classiques de la musique rock, parfois commentés par le personnage de Nathan qui semble connaître tous ces albums dans leurs moindres détails. C’est le comédien Hubert Proulx qui interprète le personnage de Nathan, lequel, après avoir fait de la prison pour le viol d’une jeune femme, continue à traîner des comprimés de Rohypnol dans ses poches. Sa nonchalance troublante offre un contraste intéressant avec le personnage de Polo (Cédric Dorier) sans cesse rongé par la culpabilité. Jean-François Blanchard est parfaitement crédible dans le rôle d’un psychologue aussi chaleureux que perspicace.

Un si gentil garçon fait partie des spectacles qui marquent l’esprit et forcent l’examen de conscience. À l’Usine C jusqu’au 18 novembre 2017.

L'événement en photos

Par Théâtre Complice

  • «Un si gentil garçon» de Denis Lavalou à l’Usine C
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