Le documentaire «MANOIR» de Martin Fournier et Pier-Luc Latulippe – Bible urbaine

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Le documentaire «MANOIR» de Martin Fournier et Pier-Luc Latulippe

Le documentaire «MANOIR» de Martin Fournier et Pier-Luc Latulippe

68 minutes d’humanité

Publié le 26 juin 2017 par Mathilde Renaud

Crédit photo : www.fiff.be

Michel, assis sur un lit, se confie à une équipe de tournage: «Retourner dans le vrai monde, c’est une option à laquelle je tiens. Parce qu’ici, on vit pas, on vit pas ici, on existe. C’est tout».

En 2012, le Manoir Gaulin fermait ses portes, obligeant ses occupants à trouver une nouvelle demeure. Situé à Saint-Hyacinthe, cet établissement comptait 34 résidents ayant des problèmes de toxicomanie ou de santé mentale. Entretenu de 1997 à 2012, il fut l’un des nombreux logements alternatifs à accueillir les patients abandonnés au cours de la vague de désinstitutionnalisation des hôpitaux.

Martin Fournier et Pier-Luc Latulippe, deux documentaristes de la relève, se sont armés de leur caméra et ont passé plusieurs années à tourner sur ce terrain. Huit ans plus tard, ils en sont ressortis avec MANOIR, qui a notamment remporté le prix du «Meilleur film documentaire» lors du dernier gala de Québec Cinéma.

Tourné sur une très longue période de temps, le film nous permet d’assister à des moments très importants et, surtout, touchants, de la part des occupants du manoir. Digne d’un documentaire de Frederick Wiseman, la caméra s’introduit dans ce lieu et en fait un personnage à part entière. Elle réussit à capter des instants mémorables qui permettent de créer un lien direct entre le spectateur et les résidents.

Elle ne juge personne, nous laissant découvrir leurs différents mondes ainsi que leurs personnalités. Une proximité s’établit entre ces humains attachants et le spectateur. Ils s’ouvrent aux deux cinéastes et à leur caméra, et livrent certaines de leurs sombres pensées, nous offrant ainsi de belles pistes de réflexion.

Le ton de l’œuvre change en seconde moitié. L’annonce de la démolition du manoir a été consumée et les résidents doivent trouver un moyen de déménager leurs biens. Certains acceptent la décision tandis que d’autres repoussent au maximum le moment de faire leurs boîtes. Dans cette partie, la caméra est très intrusive. Trop? Peut-être. Lors du déménagement, Michel n’a encore rien rangé et ne montre aucune envie de quitter sa chambre. La caméra perturbe l’intimité de celui-ci, mais elle nous permet à la fois d’assister à un magnifique moment, où les autres habitants de la résidence aident Michel à remplir ses cartons.

Dans un monde (car oui, nous pouvons qualifier le Manoir Gaulin d’un monde à part) où ces gens sont laissés à eux-mêmes et où peut exister une grande noirceur, le montage de cette petite production laisse passer de brillantes touches de lumière, qui viennent fréquemment mettre un sourire dans le visage du spectateur. Ce dernier se doute qu’un endroit peuplé par ces personnes puisse être le théâtre de gestes violents, de pleurs, ainsi que de nombreuses crises. Cependant, les cinéastes et leur équipe respectent les hommes et les femmes qu’ils sont venus visiter en mettant de côté ces épisodes pour révéler, plutôt, de formidables instants.

Les évènements les plus tristes sont généralement balancés et désamorcés par une légère touche humoristique présente dans les plans suivants. La scène où deux résidents interprètent la chanson «Can’t Help Falling in Love» d’Elvis Presley, est tout simplement sublime. Johnny et Nathalie montrent leur complicité sur grand écran et ce qui en ressort chez le spectateur est une compassion et un attachement immenses.

Dans MANOIR, nous découvrons des humains attendrissants qui possèdent, très souvent, une grande sagesse. Leurs paroles nous font réfléchir sur nous-mêmes, nous donnant l’envie de nous améliorer et de leur apporter le réconfort qu’ils méritent. Comme Johnny, ancien occupant du Manoir Gaulin, le dit si bien: «Comment est-ce qu’il y a des millions de personnes sur la planète et on ne se dit même pas bonjour? On apprend juste à se juger et à se mépriser».

Apprenons à connaître les gens et les comprendre. L’humanité en bénéficiera.

L'événement en photos

Par Olivier Tetreault

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