«Amours, délices et orgues» de Pierre Lapointe lors des FrancoFolies de Montréal 2017 – Bible urbaine

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«Amours, délices et orgues» de Pierre Lapointe lors des FrancoFolies de Montréal 2017

«Amours, délices et orgues» de Pierre Lapointe lors des FrancoFolies de Montréal 2017

Une grande fête à pleine capacité

Publié le 15 juin 2017 par Alice Côté Dupuis

Crédit photo : Mathieu Pothier

Cette année encore le flamboyant Pierre Lapointe s’offrait un spectacle tout spécial et éphémère à l’occasion des FrancoFolies de Montréal. Après avoir investi le Musée Grévin en 2014 lors de sa dernière idée de génie, c’est l’élégante Maison symphonique qui est, depuis mercredi, et ce, jusqu’à samedi seulement, le théâtre d’une grande fête où chansons, monologues, danse et décors artistiques s’entremêlent pour former un tout d’une grande originalité mais parfois difficile à pénétrer pour le public.

Ils étaient nombreux à faire partie du grand party: que ce soit Sophie Cadieux, la comédienne, ici à la mise en scène du spectacle, qui se manifestait majoritairement à l’aide de voix hors-champ, ou encore le chorégraphe et danseur Frédérick Gravel, en passant par l’auteur Étienne Lepage, l’organiste Jean-Willy Kunz, le musicien Vincent Legault (Dear Criminals), la comédienne aux multiples talents Florence Blain Mbaye, ou même le comédien Éric Bernier, et on en passe. Il y avait du monde à la messe pour entourer ce majestueux orgue qui justifiait le déplacement dans cette grandiose salle de concert.

Mais si le public était évidemment convié à la fête lui aussi, il a pourtant parfois eu du mal à pénétrer, que ce soit le groupe d’amis manifestement bien hermétique, ou dans le concept de la fête, qui le menait dans tous les sens. Car l’auteur-compositeur promettait un spectacle mi-parlé, mi-chanté, disait-on; un 50% de chacun qui permettrait de voir l’artiste sous un nouveau jour. Et il faut le souligner, Sophie Cadieux décrivait d’entrée de jeu qu’«Étienne Lepage, y’est bien bon pour écrire des choses qu’on dirait pas qu’elles sont écrites». C’est vrai, on peut en témoigner. Pierre Lapointe était-il pour autant à l’aise de réciter par cœur ces textes écrits-qu’on-ne-dirait-pas-qu’ils-sont-écrits? Franchement, oui.

Très naturel, sans tomber dans le trop théâtral ni dans le stand-up comique, l’artiste semblait demeurer lui-même et parler à son public très simplement, même qu’il a déclenché de nombreux rires au fil de la soirée. Les textes d’Étienne Lepage sont d’ailleurs effectivement brillants, truffés de belles réflexions, d’une belle poésie, d’une belle folie et aussi de belles images. Ils sont même originaux, très drôles et inattendus, mais entre des monologues sur les préjugés dans la société ou encore sur le bonheur, et un sur les différentes propriétés du marteau – oui, l’outil – ou encore un récit abracadabrant sur sa rencontre avec un couple de célébrités américaines, on peut tout de même questionner la pertinence de certains numéros ou la longueur d’autres.

L’apparition d’Éric Bernier pour un dialogue où l’acteur est estomaqué de constater l’attitude du chanteur et la façon dont il mène sa vie, par exemple, sans aspirer à faire de son mieux et sans faire d’introspection, fût certes très drôle, quoiqu’un peu long, comme peuvent sans doute en témoigner les comédiens, musiciens et techniciens qui étaient tous là, autour, à attendre. «C’est pas fonctionnel comment tu fonctionnes!» s’indignera Bernier, qui ira jusqu’à sauter sur Pierre Lapointe. Et on a envie de dire que le spectacle non plus, n’était pas tout à fait fonctionnel.

Bien sûr, de magnifiques moments de chansons ont aussi eu lieu: l’apport du hautbois de Florence Blain Mbaye durant «La sexualité» a été très remarqué, s’alliant de jolie façon à l’orgue qui apportait à la pièce un côté plus solennel. La nouvelle «Parle-moi de demain» a donné lieu à un joli moment où tous les amis étaient réunis autour d’une boîte à musique comme seul accompagnement du chanteur, tandis que «Tel un seul homme», livrée assis par terre avec deux musiciens seulement, fût tout à fait magnifique; un numéro fort de la soirée.

Mais le principal dysfonctionnement du spectacle réside dans les éléments de décors polyvalents mais trop présents, et, surtout, les mouvements constants des techniciens et comédiens pour bouger lesdits décors.

Grandes structures géométriques tantôt aux reflets miroir, tantôt à l’effet de cible, les constructions ont bien servi durant «Mad Rush» de Philip Glass, joué à l’orgue par Jean-Willy Kunz, tandis que des jeux de lumière reflétaient dans les structures et aussi sur Frédérick Gravel, qui dansait joliment, mais elles ont aussi beaucoup nui puisqu’elles restaient rarement en place pendant un numéro au complet avant qu’on ne les bouge.

Pierre Lapointe pouvait à peine terminer une chanson que les petites fourmis se mettaient à l’œuvre derrière lui pour bouger les blocs, ce qui avait malheureusement comme effet de briser la magie de l’instant. Il était en effet plutôt dérangeant de constamment voir les techniciens, comédiens et musiciens faire les changements de décor, en passant autant devant que derrière le chanteur, mais surtout, en étant constamment là. Déjà trop chargée avec ses structures, la scène aurait pu bénéficier d’un nombre plus restreint de collaborateurs, afin que notre attention soit portée davantage au chanteur et/ou au danseur qu’aux autres mouvements polluant autour.

On se demande surtout quel était l’intérêt de se donner tant d’efforts à toujours bouger et rediriger les structures géométriques si elles restaient en place si peu de temps chaque fois. Une économie de mouvements aurait permis moins de distractions et de créer une bulle d’intimité plus grande pour apprécier davantage les moments chantés ou les interprétations senties de textes divers, dont la magnifique appropriation et modernisation de «La solitude» de Léo Ferré, avec une voix robotique qui a néanmoins touché sa cible. C’est malgré tout au piano qu’on préfère Lapointe, comme durant la nouvelle «Le retour d’un amour», un texte sensible et un moment de grande beauté du spectacle.

En bouclant la boucle en reprenant à la toute fin sa plus récente, «La science du cœur», qu’il avait entamée au tout début puis arrêtée abruptement, puis en reprenant de plus grands succès en rappel, tels «Au bar des suicidés», «Nos joies répétitives» seul au piano, puis «Deux par deux rassemblés» avec toute sa gang réunie dans une version guitare-voix très douce et sentie, Pierre Lapointe a prouvé son talent indéniable pour se réinventer et pour offrir de grands numéros à son public. Mais s’il désirait mettre de l’avant l’orgue en créant ce spectacle, ce n’est malheureusement pas tout à fait réussi. Et s’il voulait bien mettre en valeur tous les arts, ce n’est pas non plus ce qu’on en retiendra, car les trop nombreux éléments nous semblent plutôt avoir été dérangeants.

Car au final, comme les chansons de l’artiste sont toutes plutôt courtes, on a même une impression globale qu’il a parlé davantage qu’il n’a chanté. Mais si Pierre Lapointe voulait prouver qu’il pouvait aussi être un bon danseur et un bon acteur, et pas seulement «le chanteur intello qui s’habille bizarre», c’est pari réussi.

L'événement en photos

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Par Mathieu Pothier

L'avis


de la rédaction

Grille des chansons

1. Science du coeur (extrait)

2. La voix d'un homme

3. Ton corps est déjà froid

4. La plus belle des maisons

5. La sexualité

6. L'étrange route des amoureux

7. Alphabet

8. Parle-moi de demain

9. Fier d'être gay (glad to be gay)

10. Tel un seul homme

11. Mad Rush

12. La solitude

13. Le retour d'un amour

14. La science du coeur

Rappel

15. Au bar des suicidés

16. Nos joies répétitives

17. Deux par deux rassemblés

Nos recommandations :

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