Rêve amplifié: Sigur Rós en concert à la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts

Ce spectacle est divisé en deux segments, séparés par un entracte, et il n’y a pas de première partie. La formation a présenté une prestation d’environ deux heures où la musique et la mise en scène étaient les principaux acteurs, les musiciens étant en retrait. Des sons mélodieux et d’une douceur exaltante, entrecoupés d’envolées explosives.

Tout débuta avec un écran montrant un nuage à l’horizon et des faisceaux lumineux qui ondulaient. Les musiciens ont pris leur place tout doucement, tandis qu’ils étaient dans l’ombre. Ils ont commencé la soirée avec «Á». Derrière les musiciens, on perçoit un orage qui se dessine dans le ciel… Nous avons l’impression d’être dans une torpeur, comme si nous étions sur le point de nous endormir mais que nous rêvassions déjà; un sentiment très présent pendant le concert.

S’ensuit «Ekki Múkk», où la voix claire et pure de Jónsi brillait par son intensité, soulignant à merveille cette chanson éthérée. «Glósóli» et «E-Bow», dont les refrains et la finale étaient foudroyants, faisaient leur chemin dans notre esprit, le spectateur se laissant doucement emporter par la musique. La foule était particulièrement attentive et la salle était silencieuse, comme pour mieux absorber ce qui se passait. Le groupe a conclu la première partie avec «Varð»; Orri Páll Dýrason délaissa sa batterie pour jouer du clavier, et cet extrait était aussi délicat qu’une berceuse. Sans dire un seul mot, les musiciens ont quitté la scène.

L’ambiance, qui était planante lors de cette première incursion dans le monde de Sigur Rós, se transporta dans le deuxième périple. Le public, respectueux et décontracté, fut légèrement plus alerte et démontra son appréciation pour le spectacle avec un peu plus de vigueur. Au retour, le trio nous a accueillis avec le titre «Óveður» tandis qu’il était derrière une grille, muni seulement d’un micro, d’un clavier et d’une batterie électronique. Mais c’est lors de la troisième pièce que l’auditoire s’est dégourdi, visiblement enchanté par le côté rock plutôt agressif de «Ný Batterí». Les projeteurs clignotaient et étaient braqués sur la foule, ce qui accentuait l’aspect brutal du titre.

D’autres morceaux ont également suscité l’enthousiasme du public, dont l’excellente et onirique «Vaka» ainsi que «Festival», chanson pendant laquelle le trio a fait une pause; le silence régnait alors que les spectateurs retenaient leur souffle pour la suite. Ce fut un moment très intense.

Le succès «Kveikur» et la magnifique ballade «Fljótavík» ont enchanté les gens réunis à la Salle Wilfrid-Pelletier. Les Islandais nous ont offert une dernière pièce, «Popplagið», où la basse de Goggi (Georg Hólm) sonnait particulièrement grave, avant de nous dire au revoir. Le public les a applaudis si chaleureusement que les musiciens sont revenus à trois reprises sur la scène pour saluer les admirateurs.

La mise en scène extrêmement élaborée, axée sur un jeu de lumière époustouflant, constitue l’un des éléments les plus importants de la soirée, un élément indissociable et nécessaire à l’expérience globale. Pourtant, et heureusement, elle ne prend pas préséance sur la musique. Celle-ci est toute aussi importante que l’esthétisme visuel et permet vraiment de voyager, de suspendre toute forme de raisonnement logique et de laisser submerger.

La voix de fausset du guitariste et chanteur est très puissante et très juste, aigüe à l’occasion et presque nasillarde à quelques reprises. Le son, par contre, était beaucoup trop fort par moments, plusieurs spectateurs semblaient incommodés. Cependant, même si l’éclairage alternait entre la pénombre et la lumière, il était possible de distinguer le fait que les musiciens étaient absorbés par leur musique, spécialement le chanteur qui a presque perdu le contrôle tellement qu’il était emporté par ce qu’il jouait.

Ce fut une aventure dans le subconscient, autant pour le groupe que pour le public, voire une fenêtre ouverte sur le monde interstellaire de Sigur Rós.