ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Emmanuel Albert
«Ti-gars» (Marc-André Robichaud) est relocalisé chez son grand-père (Éric Butler) suite à une tragédie, et se voit frappé de plein fouet par le profond ennui caractéristique d’une région dépeuplée. Les seuls commerces encore en activité sont sur le point de fermer, et la solitude y est écrasante. Il rencontrera une mystérieuse et bavarde jeune femme (Jeanne Gionet-Lavigne) tombée d’un arbre, qui agira comme s’ils se connaissaient depuis longtemps, sans rien expliquer.
Cette prémisse m’a rappelé la jeune femme tombée d’un arbre dans The Red Monks de Gianni Martucci, un film italien de 1988 qui bifurque rapidement hors de notre propos après cette étrange introduction, mais qui présente lui aussi une suite d’évènements tout à fait improbables. Ici, notre jeune femme est possiblement irréelle, mais il ne devient jamais clair si elle est le fruit de l’imagination de Ti-Gars, ou un fantôme.
Il y a des éléments fantastiques, certes: les oiseaux qui échappent aux tirs de la chasse et s’élèvent au-delà de la falaise bordant le lac deviennent immortels; une des deux falaises s’est affaissée et Pépère attend depuis des années qu’elle repousse… On tombe parfois carrément dans le théâtre pour enfants, tant dans le traitement que dans les thèmes.
Les performances sont irréprochables, et l’accent acadien est mis de l’avant. Les listes dressées par les protagonistes pour s’endurer entre eux sont délicieuses, et plusieurs éléments fort originaux (une bouteille dans le lac, la méthode de Pépère pour appeler Ti-Gars, les discussions franchement absurdes entre les personnages) viennent s’assembler pour déboucher sur un résultat poétique et déroutant.
Avec une scénographie minimaliste, notre imagination fait tout le travail, mais les dialogues imagés et évocateurs de Robichaud nous facilitent grandement la tâche. Au final, cet habile texte laisse le spectateur prendre à la légère les drames des personnages, et c’est peut-être là que réside sa plus grande magie: nous faire réaliser que, peu importe les tragédies, la falaise finit toujours par repousser avec le temps.
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Par Emmanuel Albert
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