ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Nicolas Descoteaux
L’auteur et dramaturge hongrois Ödön von Horvath, qui est relativement obscur chez nous, s’est penché sur la question. Dans son texte, écrit en 1936, Don Juan revient de la guerre, où il a été blessé, et part à la recherche de sa fiancée, qu’il a blessée avant son départ, et qui n’a jamais répondu à ses nombreuses lettres. Il sera confronté, partout sur son chemin, aux multiples femmes auxquelles il a fait des belles promesses.
En vingt-quatre tableaux, glauques et peuplés de personnages féminins inoubliables, il revisitera son passé, prendra du mieux, profitera encore des femmes qui l’entourent, et poursuivra sa quête consistant à retrouver sa dulcinée; il n’y a aucun doute, dans son esprit, qu’elle le pardonnera, et qu’ils poursuivront là où ils s’étaient arrêtés.
Maxim Gaudet, dans le rôle-titre, a une belle gueule et porte en lui toute la souffrance du monde, mais manque légèrement de magnétisme pour être 100% crédible dans la peau du légendaire séducteur. Les filles se pâment sur son passage, lui ouvrent leurs jambes, feraient n’importe quoi pour lui – et on salue ici bien bas la distribution féminine, six actrices époustouflantes qui incarnent un échantillon éclatant de femmes flouées, enjouées, désespérées, passives ou fonceuses. Evelyne de la Chenelière, Kim Despatis, Marie-France Lambert, Danielle Proulx, Évelyne Rompré et Mylène Saint-Sauveur changent toutes de registres à quelques reprises et sont par moments méconnaissables.
Nous avons été agréablement surpris par la scénographie, au service des changements d’ambiance et de lieux; des projections très subtiles, couplées à des ambiances sonores très réussies, viennent tout doucement changer le ton du récit à quelques reprises. La scène est rarement silencieuse; lorsque ce ne sont pas des coups de talons qui claquent, préparant l’inéluctable destin de Don Juan, ce sont des bruits familiers de vie citadine, des échos de rapports sexuels à un autre étage, des murmures et des voix lointaines.
Tout pour plonger le spectateur dans une sorte de transe.
Le Théâtre Prospero est malléable et c’est un lieu où on se sent très bien. Ce qu’en a fait Florent Siaud, avec cette mise en scène très maîtrisée, nous ramène dans le temps, et nous plonge pendant une heure trente dans une époque (mal)heureusement révolue, afin que nous soyons témoins du triste sort d’un tombeur en série, que la solitude écrase, et qui n’est définitivement pas un modèle à suivre.
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Par Nicolas Descoteaux
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