ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Catherine Asselin-Boulanger
Proust est célèbre dans le folklore littéraire pour plusieurs raisons: son asthme, son homosexualité, sa réclusion, ses phrases interminables, son épopée littéraire, dont tout le monde a entendu parler, mais que peu de gens ont vraiment lue. La dernière adaptation significative de son œuvre est le superbe film Le Temps retrouvé, réalisé par Raul Ruiz, en 1999.
Dans cette pièce écrite et mise en scène par Sylvie Moreau, on se retrouve plongés dans l’imaginaire fiévreux de l’auteur, alors qu’il est alité dans sa petite chambre, toujours à quelques instants d’ingérer une drogue quelconque, dépendant de sa fidèle femme de chambre Céleste.
Proust se retrouve cette semaine dans l’actualité bien malgré lui, car il a été identifié par un professeur de l’Université Laval dans un film familial documentant un mariage en 1904.
Sur scène, on se délecte de quinze tableaux, qui ont tous pour cadre la fameuse chambre, qui se transforme occasionnellement selon les fantasmes de l’auteur. Ses cadres deviennent des fenêtres où roucoulent certains de ses personnages emblématiques comme le baron de Charlus et la duchesse de Guermantes, les murs de sa chambre se déplacent pour laisser surgir de la brume de ses souvenirs des échos de conversations et des traits d’esprit.
Le rythme auquel s’enchaînent les vignettes est vif et empêche clairement l’esprit du spectateur de dérailler vers des rêveries parallèles – on s’attarde juste assez longtemps sur chaque facette du personnage, à travers des trouvailles scénographiques surprenantes. Le «questionnaire de Proust» est fort amusant, et la nomenclature fiévreuse de toutes les substances inquiétantes qui maintenaient l’auteur dans un état de créativité hallucinée nous fait presque peur.
Pascal Contamine, dans la peau de Proust, se débrouille très bien malgré l’absence relative de mouvements de son personnage, et on retient particulièrement les cabotinages réjouissants de Jean Asselin dans la peau de Charlus, un aristocrate maniéré et ridicule dont les mimiques exagérées et les yeux exorbités fournissent une bonne dose de comique à l’ensemble.
La pièce est parfaite pour les spectateurs qui ne connaissent pas tellement Proust et son œuvre, mais les «proustiens» y trouveront aussi leur compte, et seront heureux de retrouver des personnages qu’ils auront côtoyés au fil de leurs séances de lectures.
C’est une belle méditation sur le désir de création, les rapports entre un auteur et son œuvre, et à quel point l’œuvre en question peut parfois prendre le dessus sur tout le reste.
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Par Catherine Asselin-Boulanger
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