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Crédit photo : Simone Records
C’est Stéphanie Lapointe qui ouvre le bal, avec une reprise toute dépouillée d’«Animal», de France D’Amour, qui met en valeur sa belle voix délicate, accompagnée des cordes graves d’une guitare électrique qui en fait moins que trop. Cette relecture qui passe du rock à la ballade toute simple est très réussie, et on apprécie déjà le concept de cette compilation originale.
Puis, avec une instrumentation plus étoffée, Philippe B se fait entendre avec «Sur la route». Et même si son style de chant posé, parfois presque parlé, n’est pas très lointain de celui de Pierre Flynn, ce qui fait que rien ne détonne ni n’étonne dans cette reprise, il n’en demeure pas moins qu’elle est saisissante de beauté.
Geoffroy nous plonge quant à lui dans un univers à mille lieues de la «Ce soir l’amour est dans tes yeux» de Martine St-Clair, faisant résonner ses synthétiseurs et batterie électronique qui confèrent à la pièce un son très propre au jeune auteur-compositeur-interprète. Si on trouve dommage que Geoffroy n’ait pas su exploiter davantage sa belle voix, puisqu’il parle presque plus qu’il ne chante, on apprécie néanmoins son beau grain et la façon dont il a revisité la chanson.
Globalement, les reprises plus posées et dépouillées, pour la plupart, aident à mettre davantage l’accent sur les paroles des chansons, nous faisant redécouvrir certains textes marquants du répertoire québécois, et c’est ce qui arrive avec «Les chinois», qui nous est offerte avec de beaux cuivres, des percussions subtiles et une douce guitare acoustique ainsi que la voix chaleureuse de Claude Bégin, changeant complètement le registre et faisant rapidement oublier Mitsou.
On sent à la fois qu’Antoine Corriveau a amené la chanson dans son univers propre et en a fait sienne, mais aussi qu’il sort complètement de sa zone de confort dans la façon dont il chante. Après avoir pris le premier refrain de «Corridor» plus bas qu’il n’aurait dû (du moins, si l’on se fie à l’interprétation de Laurence Jalbert!), il étonne complètement en remontant à l’octave supérieure au second refrain et en poussant sa voix, qui n’a pourtant aucun mal à atteindre ces notes.
Le contraste est saisissant lorsque Karim Ouellet, de sa voix haute, commence à chanter du Luc de Larochellière, qui possède une voix grave et chaude. Mais la belle sensibilité dans la voix de Ouellet et les belles harmonies avec une voix féminine, qui viennent appuyer certains passages, confèrent à la reprise de la classique «Si fragile» une beauté particulière. On espère que Karim va l’adopter et continuer de l’interpréter en spectacle, car il se l’est bien appropriée tout en ne la dénaturant pas du tout, et elle lui sied bien.
On salue l’attribution de «Le chat du café des artistes» de Ferland, dont les propos collent à merveille à l’univers décalé de Philippe Brach, et il faut aussi souligner le travail de recherche de vérité qui a été effectué sur l’enregistrement de cette compilation. Rires, doigts qui glissent sur les cordes des guitares, bruits des pieds qui pèsent sur les boutons des nombreuses pédales pour aller chercher différents effets; tout est audible, dans cet album live to tape très authentique.
C’est finalement au très polyvalent Peter Henry Phillips qu’on a confié la tâche de clore cette compilation. Il est probablement celui, avec Geoffroy, qui a le plus fait la chanson sienne: un peu planant, guitares qui font bien sentir leur présence et voix si singulière… cette relecture de «Repartir à zéro» est un succès sur toute la ligne, et ce n’est pas pour rien qu’ils l’ont sélectionnée comme premier extrait promotionnel.
Cette réinterprétation de Joe Bocan est d’ailleurs un bon exemple de ce que doit être la série Popdejam: des artistes de la relève qui font découvrir sous un nouveau jour de grandes chansons, à leur façon. Certains osent plus que d’autres, mais au final, on a droit à de belles relectures toujours personnelles et senties, qui apportent un nouvel éclairage sur les paroles et les interprètes originaux.
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de la rédaction