SortiesDanse
Crédit photo : Juliette Busch
Il est presque 19h, le spectateur s’installe face à un décor étrangement aérien aux teintes blanches et noires où des chaises semblent flotter dans les airs tels des ballons tenus par des fils… Les danseurs Kimberley De Jong, Patrick Lamothe et Simon-Xavier Lefebvre prennent place au centre de la scène, nous faisant face dans une configuration triangulaire.
Ils nous laissent ressentir, quelques instants, la notion de silence, d’immobilité et d’espace comme pour nous faire la promesse de nous emmener dans une nouvelle forme poétique.
Une belle conception sonore
La musique éclate, manipulant les corps à chacun de ses accents, poussant les interprètes du haut vers le bas.
Le travail d’éclairage est sans aucun doute le point fort de cette pièce et ravira tous les passionnés en la matière. Il sait valoriser la mise en scène, nous entraîner dans un univers inconnu et répondre parfaitement à celui créé par la superbe conception sonore, quand ce n’est pas la musique elle-même qui vient trancher l’obscurité.
Malheureusement, la partie dansante est décevante et laisse un goût d’inachevé…
Nous pouvons souligner la performance de l’unique interprète féminine qui, du premier au dernier tableau, a une belle présence sur scène. Naturellement et pleinement habitée par le lieu, elle nous donne l’impression de savoir exactement dans quelle direction va la pièce; chemin qu’on a quelquefois du mal à suivre…
De manière générale, les corps bougent, gigotent, remuent mais manquent de connexion réelle avec la mise en scène très dense. S’il y a bien une vérité en danse, c’est que même un corps mort doit être incarné.
La chorégraphie n’étant pas très poussée techniquement, on regrette que ses auteurs n’aillent pas plus loin dans la création de sens du mouvement et d’authenticité. Ce manque rend les corps presque gênants dans certaines parties, laissant au spectateur la responsabilité d’en faire abstraction et de se recentrer sur la pièce musicale pour en apprécier toute la saveur.
Concernant les fameuses chaises: à Montréal, où l’on voit de plus en plus d’artistes toucher à la performance interobjets, et compte tenu des promesses des annonceurs du spectacle supposé dansant, on s’attend à une recherche plus abouti à ce niveau-là. Nous sommes davantage dans une exploration de l’objet sorti de son utilisation habituelle que dans une réelle chorégraphie du non-vivant.
C’est dommage, car certaines propositions sont prometteuses et entraînantes. Une présentation sous forme d’explorations hors de l’espace scénique traditionnel du théâtre les mettrait, peut-être, plus en valeur…
En résumé, c’est une œuvre sonore qui plaira aux nombreux admirateurs de son créateur, mais qui laissera sur leur faim les connaisseurs et grands amateurs de danse. La prise de risque de la part d’un artiste qui pouvait se satisfaire de ce qu’il maîtrise est cependant toujours remarquable et à encourager.
Cette création étant la première pour laquelle Martin Messier décide de régler la chorégraphie lui-même, et conscients de la qualité de ses travaux précédents, nous sommes maintenant avides de découvrir l’évolution que ce chemin peut prendre.
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Par Juliette Busch
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