SortiesDanse
Crédit photo : Aurore Biry
On aurait pu penser que le diffuseur évite la prise de risque avec le choix de la danse urbaine, qui conquiert facilement un public assez large par son côté spectaculaire et acrobatique. Cependant, cette soirée pose la question sur le rôle de cette danse aujourd’hui. Originalement née dans un mouvement de révolte dans les quartiers défavorisés, elle use de textes philosophiques dans ces deux pièces, s’interrogeant sur le sens de la vie.
La première partie, orchestrée par Greg (Krypto) Selinger, semble être une pièce théâtrale plutôt que chorégraphique. Son discours, sur fond de silence, crée une ambiance poétique à la fois naturelle et espiègle. Le public francophone pourra être déçu de ne pas comprendre l’anglais. Il est dommage de ne pas avoir pris soin de ce détail pour une représentation à Montréal.
Cependant, les réactions positives ne tardent pas à se faire entendre parmi les spectateurs. Les gens rient et lui répondent verbalement avec spontanéité, ouvrant la porte à un dialogue et à une proximité délicieuse et amusante. Le danseur semble glisser dans les airs, sur le sol, sur la tête, sur les mains, sur le dos, et ce, sans même s’en rendre compte, entre deux phrases ou pour continuer son explication dans une position étrange…
Se joue-t-il de nous avec son théâtre simulé quand la danse transpire à travers lui? Ce jeu est tout à fait rafraîchissant.
La deuxième création, proposée par Daniel Wook Jun et Abdel Abnormal Madini, est à l’opposé: ici, on use de tous les artifices de la scène et on les exploite au maximum avec la musique envoûtante à laquelle les mouvements répondent à la perfection, ou encore les jets de lumière que les artistes semblent rendre solides. C’est leur première création chorégraphique et ils nous offrent avec une passion tangible tout ce qu’ils ont accumulé de leur importante relation à la danse en tant qu’interprètes.
Nous sommes loin des créations contemporaines actuelles qui œuvrent dans le but de remettre en question la place du spectateur; il est bien à sa place, dans l’obscurité, face à la scène. Mais il est happé, comme chaque amoureux de la danse en rêve chaque fois qu’il passe la porte d’un théâtre. Le mouvement, viscéral et intense, viens nous pénétrer sans détour.
C’est en cela que les trois artistes se rejoignent: la danse, comme nécessité absolue pour s’exprimer en tant qu’être vivant. C’est beau, émouvant, époustouflant même. Leur art est maîtrisé et incorporé en eux si bien qu’on en oublie la virtuosité et la technique. Ils accaparent totalement la scène, et le public se sent soufflé par ces élans passionnés qui parviennent à le transpercer.
Une soirée finement pensée qui ouvre la porte à une réflexion autour de l’avenir de la danse urbaine et contemporaine. Ça ne peut qu’être une belle entrée vers cette nouvelle aire de tous les possibles qui débutera en mars 2017 pour Tangente.
L'événement en photos
Par Aurore Biry
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