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Crédit photo : Robin Pinea Gould et Mathieu Doyon
Un véritable portrait de famille ouvre la série de tableaux de la soirée. Bien composée, la première scène nous introduit aux couleurs de la pièce. Musique baroque, costumes pâles, déconstruction graduelle. Par des apnées suspendues dans leur cage thoracique, les six interprètes se tiennent ensemble puis s’essoufflent tour à tour jusqu’à la chute. Une chute qui va revenir comme un lightmotiv tout au long de la proposition. Comme si la douleur finissait toujours à terre.
Chaque membre du groupe se positionne face à l’autre. Isabelle Arcand, Sophie Breton, Claudine Hébert, Chi Long, Milan Panet-Gigon et Peter Trosztmer sont les heureux porteurs d’étendards d’À la douleur que j’ai. De l’enfant maladroit au regard paternel en passant par les amoureux impossibles, les relations ne manquent pas. En duo ou en groupe, les interprètes partagent le même espace, mais sont tour à tour mis en lumière. Dans la pénombre, le reste du groupe les observe, précisément. Certains traits de caractère se dessinent en chacun d’eux. Malheureusement, l’accumulation des modules montre une récurrence dans la façon de traiter les relations hommes-femmes, notamment. Les jeunes filles étant toujours en quête d’affection, elles baignent dans leur solitude et leur folie dramatique, tandis que les hommes tentent tant bien que mal de les rattraper, sans grand acharnement.
À la Pina Bausch, Virginie Brunelle construit chacun de ses tableaux de façon extrêmement précise avec des processus d’accumulation, de répétition et de (dé)construction. En découle une forme de fatigue et d’épuisement dans chaque proposition, qui peut faire émerger l’essentiel. La proposition chorégraphique est, en ce sens, globalement réussie. Le propos est clair et la façon de dire les choses est transparente, accessible et cohérente.
Pourtant, si la gestuelle physique peut, en apparence, tendre vers la violence, le déchirement et la chute, il semblerait que cette douleur ne nous atteigne pas vraiment au cœur. À la douleur que j’ai offre tellement une esthétique épurée dans un rythme lent et solennel, que le spectateur pourrait être davantage emporté par ce fil méditatif que par la réelle tension qui relie les protagonistes.
Il faut souligner les choix de style musical et vestimentaire de Virginie Brunelle et son équipe. Dans les couleurs pastels, les costumes de Marilène Bastien et Elen Ewing habillent intelligemment les corps. Chemises chics, robes larges et pantalons élégants, l’harmonie visuelle est superbe. Un plus! Aussi, la chorégraphe a choisi d’accompagner la trame chorégraphique par une succession de grands classiques, notamment avec la Sarabande d’Haendel, grandiose et dramatique. Virginie Brunelle rencontre le défi avec brio.
La nouvelle création de la jeune chorégraphe aura sans aucun doute rencontré les attentes d’une partie de l’audience, dans sa simplicité, dans sa cohérence dans le propos. En soulignant parfois trop ce qu’elle veut dire, la pièce ne prend pas aux tripes, mais offre tout de même une belle signature esthétique.
L'événement en photos
Par Robin Pinea Gould et Mathieu Doyon
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de la rédaction