«Album de finissants» à l'Espace Libre dans une mise en scène d'Anne Sophie Rouleau – Bible urbaine

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«Album de finissants» à l’Espace Libre dans une mise en scène d’Anne Sophie Rouleau

«Album de finissants» à l’Espace Libre dans une mise en scène d’Anne Sophie Rouleau

L’heure de gloire d’une génération pétrifiée

Publié le 16 octobre 2016 par Marie-Hélène Proulx

Crédit photo : François Gélinas

Le message sans nuances de Mathieu Arsenault aurait pu être passé en trois fois moins de mots et demeure contestable. Mais quoi de mieux que des idées bien tranchées et l’évocation de la fougue adolescente, sous parfum de révolte, pour enflammer une scène? C’est ce qui fait que chaque seconde de son texte, qu’Anne Sophie Rouleau a su si superbement mettre en scène, mérite néanmoins d’être savourée.

Et s’il y a bien une chose que la metteure en scène a su démontrer, c’est bien qu’il est possible d’utiliser l’énergie explosive des jeunes, et même certains de leur propos, d’une manière nettement plus brillante et évocatrice qu’en les abrutissant sur des bancs d’école. Et ce texte, composé de plusieurs perles, n’est pas seulement porté par deux ou trois petits génies: plus d’une cinquantaine d’adolescents du quartier passeront sur la scène de l’Espace Libre.

Bien que tous n’aient pas un rôle de la même ampleur, chacun, sans exception, y trouve son mot à dire et participe au mouvement continu du chœur. Cohérente avec son message, l’équipe de création n’a d’ailleurs pas opté pour un petit chœur sage et bien tassé, mais pour un ensemble d’individus qui bougent, ragent, griffonnent leurs notes pour ensuite les réduire en miettes à leur manière.

Les participants s’offrent ainsi la liberté des gestes que la plupart d’entre nous n’avons pas osé porter, au secondaire. Cet équilibre, entre les moments de parfaite unité rythmique et de relâchement, suscite l’empathie. En effet, difficile de résister à cette ingénieuse manière de ponctuer le temps, en sons, en musiques, en mots. L’envie de traverser la scène et les années, au moins en pensée, pour rejoindre les jeunes qui dansent, de manière parfois un peu approximative, entre leurs pupitres, est grande.

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Pourtant, le sujet central peut éveiller quelques réticences: «J’ai beau aimer le rythme et me souvenir d’avoir rêvé, comme ces jeunes-là, de mes amours sur les bancs d’école, je me souviens que j’avais une vie sociale active à l’école et que mes cours de math me stimulaient l’esprit. Et des jeunes comme moi, sur scène, je n’en ai pas vu», confie Louis-Philippe. Ici, le tableau dressé de la jeunesse est sombre: elle se compose des moins doués qui peinent à aligner deux mots, des moyens, invisibles, obéissants et sans joie, et, finalement, de quelques brillants angoissés de la performance. Mais tous sont réunis par l’ennui et la même terreur du spectre de la misère, qui semblent guetter dans l’ombre ceux qui ne parviennent pas à se plier aux règles imposées.

La vision du conformisme y demeure aussi relativement étroite: elle trouve sa source dans les attentes des adultes et sa fin dans les adultes bien domptés que ces rebelles déjà étouffés sont appelés à devenir (à ce sujet, le clin d’œil à The Wall de Pink Floyd et à quelques autres classiques musicaux est très judicieux). Dans ce cadre rigide, le conformisme recherché ou l’oppression que les jeunes peuvent s’imposer entre eux, sont peu ou pas évoqués.

Cela n’empêche pas l’imploration du chœur d’aller au-delà de la raison de rejoindre son but. Cette réalité grotesque fait rire, grimacer et sait éveiller le rageur plaisir de garder encore en soi, trop secrètement, peut-être, une part de son adolescence.

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