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Crédit photo : Gracieuseté Adam Green
Après deux heures de performance exceptionnelle, le concert s’est terminé par un mouvement de la foule sur scène pour enlacer le chanteur et ses musiciens. Un merci physique du public pour féliciter la générosité d’Adam Green qui, en plus d’avoir fait des high five à la majorité des spectateurs, a aussi chanté toutes les suggestions données par ceux-ci. Un beau partage où le fameux quatrième mur semblait ne plus exister.
A 35 ans, Adam Green a déjà une belle carrière derrière lui. Tout a commencé en 1999, lorsqu’il créa The Moldy Peaches avec Kimya Dawson. Ce petit groupe fit vite parler de lui: d’abord, en partageant la scène avec les Strokes lors de leurs premières tournées américaines, puis grâce à la présence d’«Anyone Else But You», sur la B.O de Juno.
Dans la salle, il y avait quelques fans de la première heure qui étaient ravis qu’Adam joue l’un des hymnes des MP comme «Who’s Got the Crack». Au sujet de cette période dorée, l’artiste déclare: «C’était assez fou. Je me réveillais dans des appartements plein d’instruments de musique; j’enregistrais et j’apprenais en même temps. Je me souviens de cette époque comme l’une des périodes les plus libres de ma vie. On a écrit les albums en très peu de temps, surtout les paroles. On prenait tous un bout de papier, on s’asseyait en cercle et on gribouillait quelques mots…»
Une démarche très détachée caractérisant la scène anti-folk. «J’adore vraiment la scène anti-folk. Je suis resté en contact avec beaucoup de personnes de ce milieu (Jeffrey Lewis, Regina Spektor). Quand les Moldy Peaches ont commencé, l’anti-folk était déjà quelque chose d’important à New York. Pour moi, l’anti-folk, c’est juste un courant, un moment de la scène, des open mic. Tous les lundis soirs, on allait jouer au Sidewalk. D’une certaine façon, on s’inter-influençait. Là-bas, il y avait toujours les mêmes groupes de musiciens, et ces personnes sont restées très importantes pour moi».
Après sept albums solos, Adam Green s’est tourné vers le cinéma. En 2011, The Wrong Ferrari, son premier film, était entièrement filmé avec une caméra iPod. Pour venir à bout de son second projet Aladdin, Green aura pris quatre belles années, un mariage et un bébé. Sa rencontre avec Yasmine Dolatabadi, aussi productrice du film, a transformé le long-métrage: «Il ne faut pas sous-estimer l’influence de Yasmine dans ce film. C’est grâce à elle qu’il est aussi étrange. Au début, je voulais filmer l’œuvre dans différents lieux en Europe. Yasmine m’a dit: “Non, tu devrais tout faire toi-même, tu devrais construire tous les décors. Et c’est ce détail qui rend le film unique. Quand on s’est rencontrés, j’étais en train d’écrire le scénario et, sans le faire exprès, j’ai aussi mis beaucoup de notre histoire (rires). Par exemple, à la fin, les vœux sont les vrais vœux qu’on a écrits pour notre mariage». L’un des beaux moments du film où le classique «I do» est remplacé par le très drôle «You’re under arrest because you’re the best».
Comme vous avez pu le comprendre, cet Aladdin psychédélique en papier mâché est une version très libre et personnelle du conte des Mille et une nuit. Le chanteur explique: «J’avais cette idée depuis longtemps de réaliser ma version d’Aladdin. Je pensais que ça serait le fun de réinterpréter le mythe et d’en changer les symboles pour qu’ils correspondent plus à notre époque contemporaine».
Le visuel du film lui donne son originalité: des acteurs en chair et d’os évoluant dans un monde de carton-pâte entièrement construit par Green. En six mois, le réalisateur et sa bande ont construit plus de 30 pièces et 500 objets en papier mâché. Une construction faramineuse qui donne une atmosphère cartoonesque jonglant avec les codes des jeux vidéo. «Si je voulais créer des décors en papier mâché, c’était pour essayer de retranscrire aux mieux un paysage interne qui représente qui je suis. J’avais envie de montrer aux autres ce qui se passait à l’intérieur». Et il ajoute: «Dans le film, ce qui est drôle, c’est que tous les objets ne sont pas de vrais objets, mais seulement l’idée d’un objet. Par exemple, une chaise n’est que l’idée moyenne, la mémoire de ce qu’une chaise représente et doit être».
Pour ce film, Adam Green a tenu la barre d’acteur, réalisateur, compositeur et accessoiriste. De plus, lors de la tournée, il s’occupe lui-même des projections et de la mise en marché. Quand on le questionne sur cette boulimie de travail, il répond: «J’essaie de faire beaucoup de formes d’art différentes pour exprimer aux mieux ce que je ressens et qui je suis d’une façon complète. Peut-être que, d’une certaine façon, je cours après l’idée de la création d’une œuvre complète qui ferait travailler tous les sens en même temps».
L’une des bonnes surprises du long-métrage est d’enfin retrouver Macaulay Culkin, ami de longue date d’Adam Green, qui tenait déjà le premier rôle dans The Wrong Ferrari. «Il m’a vu écrire le scénario. Comme il été là pendant tout le processus d’écriture et de création, c’est assez naturellement qu’il a voulu faire partie du projet. Pour moi, notre collaboration est juste un prolongement de notre amitié. Je me sens chanceux que Mac joue dans mes films, car en ce moment, il refuse toutes les autres propositions. Culkin est une personne vraiment très aimée aux États-Unis».
On espère alors que cette belle collaboration va continuer et qu’on reverra ces deux-là jouer ensemble. Pas de pause pour Adam; à peine finie la tournée d’Aladdin qu’il souhaite déjà se consacrer à un nouveau projet nommé War And Paradise. «Je suis en processus d’écriture d’album. Je vais peut-être le jumeler avec un film, mais je ne suis pas encore certain. Je voudrais faire un film de guerre en papier mâché dont l’une des parties va se passer dans l’après-vie».
Et avec une certaine audace, il nous lance: «C’est vraiment très addictif de faire des films. Je ne pense plus qu’à ça en ce moment!»