SortiesConcerts
Crédit photo : Louis-Charles Dumais
Arrivant seule sur scène avec, comme seule partenaire, sa guitare acoustique, Martha Wainwright a vite fait d’imposer son style d’interprétation grandiose, faisant oublier aux spectateurs l’absence de support supplémentaire. Annonçant d’entrée de jeu qu’elle offrirait des pièces de son plus récent opus, Come Home to Mama, puisqu’elle n’avait pas été très productive musicalement ces derniers temps, se consacrant à sa famille, elle s’est tout de même risquée à présenter trois nouvelles chansons. «Je ne sais pas si elles sont finies, mais je vais les essayer pour voir si vous aimez ça», a-t-elle lancé, rieuse, avant de commencer plutôt avec des pièces qu’elle maîtrise bien, comme «Some People» et «Four Black Sheep».
Elle se trompe, elle dit «Shit», puis elle se reprend où elle s’était accrochée dans les accords ou dans les paroles: Wainwright se fiche du décorum. Elle est tellement généreuse dans ses interprétations et dans ses présentations entre les chansons qu’on lui pardonne aisément ces erreurs. Cela la rend par ailleurs presque plus charmante encore, lorsqu’on l’entend s’excuser de «massacrer la poésie» de chansons comme «Ayoye» de Gerry Boulet, dans sa reprise issue de la trame sonore de Trauma, qui a malgré tout suscité des applaudissements de la foule dès le début.
L’artiste s’est effectivement fait un point d’honneur d’offrir quelques chansons en français puisqu’elle jouait à Montréal. C’est dans cet objectif qu’elle a invité sa cousine, Lily Lankin, à se joindre à elle le temps d’une pièce composée par leurs deux mères, offrant un beau moment de complicité malgré quelques maladresses. Et ça ne fût d’ailleurs pas la seule pièce des sœurs McGarrigle que Martha interpréta, offrant un peu plus tôt une chanson que sa mère et ses deux sœurs avaient écrite pour une pièce de théâtre musicale. La chanteuse aimerait d’ailleurs avoir l’opportunité de monter cette production sur scène, avec elle-même dans le rôle principal, évidemment! «De toute façon, je pense que ça parle de moi: ça s’appelle ‘‘I am a Diamond’’!», a-t-elle dit avec beaucoup d’humour pour présenter cette chanson qu’elle a chantée avec son frère, Rufus Wainwright, sur l’album Sing me the Songs, en hommage à sa mère Kate McGarrigle.
Toujours très investie dans ses interprétations très personnelles, Martha se balance avec sa guitare en suivant les rayons du soleil couchant. Son dernier disque traitant particulièrement du décès de sa mère, du fait de devenir mère à son tour, et aussi de son mariage, elle a avoué que son mari ne l’appréciait pas particulièrement. «Mon mari n’a pas beaucoup aimé ce dernier disque. Du tout. Alors j’ai essayé de lui faire plaisir et de faire une chanson gentille. Mais elle est très courte», a-t-elle encore une fois dit en souriant, provoquant les rires du public, avant d’entamer une nouvelle chanson durant laquelle sa voix passe du très grave et langoureux, presque jazzé, à des notes très aiguës.
Les nouvelles pièces de l’auteure-compositrice-interprète montrent d’ailleurs un registre vocal impressionnant, plus en voix de tête encore que ce à quoi elle nous a habitués par le passé. L’une d’entre elles, à l’interprétation sensible, sentie et qu’on sentait très libre, sur fond de guitare en fingerpicking, a offert de beaux moments en voix de tête.
Une autre chanson qui a montré une belle liberté dans l’interprétation est «Radio Star», une chanson qu’elle qualifie de «upbeat» mais à propos de la fin du monde. Mais le plus beau moment du spectacle demeure sans doute sa chanson écrite il y a quelques semaines à peine, à propos du décès d’un ami des suites d’un cancer avec lequel il a vécu durant six ans. Très touchante, la pièce a révélé une interprète sensible et à fleur de peau, bien qu’on la sache déjà très impliquée dans ses chansons.
Sans prétention et avec beaucoup d’humour, choisissant presque son set list au fur et à mesure que la soirée progressait, Martha Wainwright a défendu aussi bien des chansons comme «Can you believe it», de son dernier album, que les morceaux de sa mère ou de ses précédents projets, comme «This Life» (Martha Wainwright, 2005), offerte en rappel. Elle aura démontré qu’avec autant de charisme et de talent – autant à la guitare que vocalement ou dans la création de mélodies envoûtantes -, il n’est nul besoin d’une grande mise en scène, d’éclairages ou d’un grand groupe pour éblouir.
Philémon Cimon
C’est dans une formule trio plutôt électrique que Philémon Cimon est apparu, armé de sa guitare électrique, dans le coin du toit d’Ubisoft, aux côtés de Philippe Brault (basse) et de Nicolas Basque (guitare électrique). Débutant en force avec l’énergique «Julie July», il a mis la table pour une prestation des plus énergiques. Nettement plus électriques que sur l’album, les sept morceaux de L’été présentés se sont vus insufflés d’une touche rock qui est loin de déplaire.
Il était toutefois agréable de constater que les nombreuses sonorités de l’album, tels les cuivres plutôt présents sur plusieurs pièces, n’ont pas été perdues malgré le nombre réduit d’instruments et de musiciens. En effet, la guitare électrique de Philémon Cimon servait généralement de rythmique pour établir la mélodie de base, tandis que Nicolas Basque se laissait aller à quelques envolées plus élaborées, rappelant souvent les airs de trompette ou autres entendus sur disque, comme pendant «Soleil blanc».
Peu bavard – plus pour avoir le temps de jouer plus de chansons que par manque de volonté -, l’auteur-compositeur-interprète a plutôt misé sur la beauté de ses textes, qu’il a livrés avec grande émotion. Le cri lors de la finale enlevante de «Chanson pour un ami» lui a d’ailleurs coloré le visage devant l’effort déployé et l’intensité de l’interprétation.
Si «Des jours et puis des jours», «Je veux de la lumière» et «Moi j’ai confiance» ont offert des moments un peu plus doux où les mots de l’auteur ont davantage rejoint les spectateurs, quelques envolées musicales électriques ont aussi teinté la plupart des pièces. C’est finalement avec «Au cinéma», la plus dynamique de l’album, que Philémon Cimon a laissé la foule aux bons soins de Martha Wainwright, non sans avoir réussi à charmer et réchauffer un public refroidi par le petit vent frais de fin de journée.
L'avis
de la rédaction