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Crédit photo : François Nadeau
C’est plongé dans le noir, entamant un solo de guitare électrique blues, que le roi Leloup s’est d’abord fait entendre, avant de se montrer, le visage entier recouvert d’un maquillage qui n’est pas sans rappeler celui du fameux Joker. Mettant rapidement la table avec un monologue décousu durant lequel il a mis l’accent sur son chapeau, sa guitare et ses boots, l’artiste n’a pas manqué, non plus, de bien afficher son personnage de «Leloup, prisonnier de son narcissisme». Jouant avec son public de façon brillante, il était déjà clair que le musicien avait la foule dans sa main, même avant l’interprétation de la première chanson, «Petit papillon».
Et voilà que déjà, à la toute première pièce, il se permet des envolées aux paroles différentes, réinventées; des envolées absurdes, délirantes, qui auront cours tout au long du spectacle. Ici, des références à Facebook et au nombre de likes, là, une histoire loufoque et sans dessus dessous. Le chanteur ira même jusqu’à faire japper les spectateurs durant «Willie», et ceux-ci s’en donnèrent à cœur joie et n’hésitèrent pas à entrer dans la belle folie de l’artiste. Complètement libre, de par la personne qu’il est de façon générale, mais aussi de par sa solitude sur scène, Leloup est beau à voir aller, même s’il est parfois dur à suivre.
Après quelques titres de son plus récent opus, À Paradis City, Jean Leloup a offert quelques «chansons flashback», dont «Printemps été», «Nathalie» et la super bluesy «Je joue de la guitare» – durant laquelle Leloup avait effectivement un excellent jeu de guitare -, ce qui a ravi le public. Attention toutefois à ceux qui ne posséderaient que l’album des meilleurs succès de l’artiste, car pour le spectacle «Le Fantôme de Paradis City», ce sont plutôt de vieilles compositions plus ou moins connues qui ont été choisies: de «Barcelone» à «Think about you» en passant par «La chambre», plusieurs des morceaux interprétés ont étonné et nous ont replongé dans le passé – ce cher fantôme y est sans doute pour quelque chose.
Ce n’est qu’à la dixième pièce, «Fashion Victim», que Leloup prit le temps de s’asseoir et de se poser un peu, pour demander à son public si tout allait bien. À peine la réponse reçue qu’il se relançait dans une longue enfilade de chansons sans intermède, durant laquelle «Voyager» a suscité de grandes réactions positives, de même que «Les fourmis», pour laquelle les gens se sont carrément levés spontanément, applaudissant à tout rompre. Il faut bien l’avouer, le roi Leloup n’a rien perdu de son succès, et ses compositions semblent intemporelles.
Même si enfilées l’une à la suite de l’autre sur la même guitare électrique, sans variation aucune, chacune des chansons finissait quelque peu par se ressembler en ce qui a trait aux rythmiques et aux accords, les versions dépouillées ont malgré tout permis de mettre davantage l’accent sur les paroles des chansons, ce qui nous permis d’en découvrir certaines sous un autre jour, comme ce fût le cas pour la magnifique «Le dôme».
Il était toutefois étonnant de constater les revirements de situations et les changements de cap, nombreux durant les chansons, qui amenaient Jean Leloup à changer de ton brusquement ou à se mettre à inventer de nouvelles paroles. Souvent drôles et faisant rire la foule, ces envolées ont néanmoins fait en sorte que presque aucune des chansons n’a été jouée au complet, de façon fluide et sans accroc ou modification. Même s’il a parfois de la suite dans les idées, ramenant notamment ses fameuses boots italiennes durant «Pigeon», il peut aussi être très difficile à suivre, comme après «Les fourmis», alors qu’il a entamé «Les flamants roses», avant de l’interrompre pour en commencer une autre, puis de finalement s’arrêter sur «Décadence», une chanson qui lui semblait plus appropriée pour l’ambiance générale de la foule à ce moment précis. «Les flamants roses» fût néanmoins l’une des plus belles interprétations de la soirée lorsqu’elle fût jouée pour vrai, en entier.
Il faut tout de même mentionner les sublimes projections vidéo créées par 4U2C, ainsi que le gigantesque crâne conçu par Yves Archambault, et qui s’animait ou s’illuminait de différentes façons, en fonction des chansons et des paroles chantées. Si Leloup lui-même n’a pas offert la prestation la plus dynamique de sa carrière – il est difficile d’utiliser toute la scène en étant seul –, les animations ont contribué à la vitalité du spectacle, qui n’a jamais été ennuyant. C’est d’ailleurs après environ deux heures de prestation et cinq chansons en rappel que l’increvable musicien s’est finalement retiré, ayant fermé le bal avec un mélange de chansons festives («Paradis City» et l’imprévue mais demandée par une spectatrice «Isabelle», qui a instantanément fait bondir la foule sur ses pieds) et de plus posées, dont la douce et bluesy «Retour à la maison».
Malgré tout, il faut beaucoup apprécier le personnage qu’est Jean Leloup pour accepter et embrasser ces interventions décousues et ces interprétations pleines de surprises et quelque peu chaotiques. Vendredi soir dans la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, la foule réunie aimait beaucoup Leloup et lui a donné beaucoup d’amour. Finalement, l’amour n’est peut-être pas sans pitié.
Le spectacle «Le Fantôme de Paradis City» sera présenté pour un deuxième soir à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts ce samedi 11 juin à l’occasion des FrancoFolies de Montréal.
L'avis
de la rédaction
Grille des chansons
1. Petit papillon
2. Willie
3. Voyageur
4. Printemps été
5. Nathalie
6. Je joue de la guitare
7. Barcelone
8. La chambre
9. Think about you
10. Fashion Victim
11. Voyager
12. Les fourmis
13. Décadence
14. Pigeon
15. Petite fleur
16. Johnny Go
17. Le dôme
18. Zone zéro
19. Les flamants roses
20. Les bateaux
Rappel
21. Paradis City
22. Retour à la maison
23. Sang d'encre
24. Isabelle
25. Feuille au vent