ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Denis Farley
S’adressant directement au public et ne donnant que très peu dans l’interaction entre eux, les cinq comédiens de Logique du pire racontent; ils se racontent, avec tout ce qu’ils ont de doutes, d’incompréhension, de désespoir. D’Alex Bergeron à Yannick Chapdelaine, en passant par Renaud Lacelle-Bourdon (surtout), chaque comédien est excessivement convainquant et naturel, chacun dans son rôle, donnant presque l’impression que chaque anecdote racontée est vraiment la sienne.
Constituée en tableaux qui s’enchaînent et se succèdent de façon fluide, malgré que chacun existe individuellement, la pièce devrait aussi générer une réflexion globale quant à la situation chaotique et sans issue de la jeune génération. C’est bien là qu’on veut nous mener : vers la noirceur, vers la déprime, mais pourtant, ces comédiens, ces jeunes personnages qui s’adressent à nous avec tant de fougue, avec tant de conviction, semblent encore avoir l’énergie qu’il faut pour croire, pour espérer.
Souvent au micro, les comédiens donnent même parfois l’impression de faire un numéro de stand-up comique, tant il y a de l’humour insufflé à ce découragement généralisé. Il faut d’ailleurs voir le tableau de Marilyn Perreault qui n’arrive pas à ouvrir la porte d’entrée de sa maison car quelque chose la bloque; un numéro tout ce qu’il y a d’absurde, dont on ne saisit pas trop à quoi il sert ni quelle est sa pertinence dans ce projet, mais qui fait beaucoup rire.
D’autres tableaux touchent plus directement leur cible, en réussissant à faire rire, bien sûr, mais en suscitant aussi la réflexion. C’est le cas d’Alex, interviewé par Gabrielle Côté, qui avoue ne jamais s’adonner à l’introspection et ne jamais faire de son mieux, notamment, puisqu’il ne sait pas à quoi ça lui servirait. Estomaquée, son interlocutrice semble autant désapprouver sa pensée qu’envier sa liberté totale et son abandon, qui lui permettent d’être exactement ce qu’il est et de faire tout ce qu’il veut, sans peur de déplaire ou de se faire juger.
Mais entre les récits de sexe et de masturbation excessive et les histoires sans dessus-dessous d’un simili philosophe qui convainc un dentiste de tout quitter et de faire éclater sa belle vie rangée, il n’en demeure pas moins qu’il y a beaucoup de non-sens et d’impertinence, même, dans le spectacle. Il est difficile de cerner le message global qu’Étienne Lepage, aidé du chorégraphe Frédérick Gravel – qui a contribué à rendre ce spectacle plus physique et dynamique –, souhaite que les gens retiennent à leur sortie de Logique du pire.
On doute finalement qu’ils arrivent à leurs fins, et on a bien peur qu’ils passent à côté de la réflexion et ne laissent derrière eux qu’un bon divertissement et quelques remises en question qui disparaîtront bien vite. Alors comme l’a si bien posé l’énergique Renaud Lacelle-Bourdon : considérant tout ça, est-ce qu’on ne devrait pas juste tout arrêter?
La pièce «Logique du pire» est une création d’Étienne Lepage, mise en scène par ce dernier et Frédérick Gravel. Elle est présentée du 3 au 5 juin à la Cinquième Salle de la Place des Arts, à l’occasion du Festival TransAmériques.
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Par Denis Farley
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