MusiqueLes albums sacrés
Crédit photo : Audiogram
Peu importe son projet, l’album, son surnom (John the Wolf, Dead Wolf, Johnny Guitar, Roi Ponpon…), son suicide scénique et sa ressuscitation subséquente, nous avons toujours la certitude que Jean Leloup est toujours lui-même, authentique.
Suite à une introduction réussie avec la première offrande intitulée Menteur (1989) mais modeste, par rapport à l’envol qu’allait prendre sa carrière suite à la parution du deuxième effort studio, L’amour est sans pitié (1990), ce troisième album a su s’imposer et devenir l’un des moments marquants de la carrière du Roi Ponpon. Il prouva que l’attente de six ans en valait largement la peine.
Explorant les thèmes de l’amour lucide («Faire des enfants», «Fashion Victim»), de l’amour impossible mais bien réel («Sang d’encre») et du fantastique («Edgar», «Le castel impossible»), John the Wolf démontre une profondeur et exprime une certaine douleur. Le besoin de voyager et la critique sociale («Le monde est à pleurer») sont également abordés, avec justesse.
Je dois admettre que j’ai snobé, pendant plusieurs années, la musique québécoise et francophone (sauf pour les groupes tels que Les Secrétaires Volantes, Groovy Aardvark, Banlieue Rouge, GrimSkunk…) J’aimais (et c’est toujours le cas aujourd’hui!) le type de musique que les parents adorent détester; agressive, à l’esthétisme glauque et aux paroles douteuses… Mais malgré ma vision très (trop) réfractaire de ce qui constituait de la «bonne musique», j’appréciais que mes amis écoutent Leloup, allant même jusqu’à leur demander de jouer ses albums lors de nos soirées. Le talent de Johnny Guitar transcende les genres.
Ce n’est que quelques années plus tard que, lors d’un séjour dans une autre province, le mal du pays m’a envahie et que j’ai décidé de me procurer enfin mon premier disque de Jean Leloup! J’ai choisi sans hésiter Le Dôme. Le musicien y exprime son vague à l’âme avec tellement de poésie et de sincérité! On se reconnaît dans ses envies d’évasion, devant son constat de l’absurdité humaine, dans ses amours difficiles, dans son sentiment de se sentir à part…
Cet album se distingue de L’amour est sans pitié qui était plus funky et beaucoup plus festif, voire dansant. Le Dôme est plus introspectif et mélancolique. Ce n’est pas parce que Jean Leloup a perdu son sens du rythme, mais c’est plutôt parce qu’il a changé d’approche. Il crée ainsi une nouvelle dynamique qui épouse parfaitement la cadence de ses paroles afin de les magnifier. Ceci étant dit, il y a des chansons sur cet opus qui nous donnent réellement envie de bouger («Edgar», «Sara» ou «Johnny Go»), tandis que d’autres semblent être destinées à être écoutées allongé(e), histoire de permettre à son cerveau de rêvasser («Faire des enfants», «Le Dôme» et «La chambre»).
«Johnny Go» se démarque par ses arrangements en boucle et les sons plus mécaniques, ce qui confère un ton futuriste au morceau. De plus, l’apport de James Di Salvio (Bran Van 3000) qui chante, ou plutôt rappe le refrain, offre un mélange des genres qui est vraiment rafraîchissant!
«La chambre» est une excellente chanson; le jeu de guitare et le ton de voix qui monte (jusqu’à se casser) créent un crescendo qui illustre le désir de tout laisser tomber et de partir, tandis que les paroles résonnent de vérité. «Sang d’encre» est une ballade particulièrement triste et touchante.
Par ailleurs, lorsque l’on écoute les paroles de l’album, on constate que Leloup fut fortement inspiré par le très célèbre auteur américain Edgar Allan Poe, et on entrevoit les thèmes associés au crime, à la dualité (indissociable) du bien et du mal, au génie et à la folie, aux excès et aux manoirs… Peut-être que Jean Leclerc se reconnaît à travers la personnalité cet écrivain? Après tout, les deux hommes sont des artistes habités par leur sensibilité artistique et possèdent un don extraordinaire pour les mots évocateurs, jolis et percutants.
Ils se savent différents et ressentent peut-être un sentiment de solitude similaire?