«Les artistes sacrés»: Prince (1958-2016) – Bible urbaine

Musique

«Les artistes sacrés»: Prince (1958-2016)

«Les artistes sacrés»: Prince (1958-2016)

Le grand départ du virtuose

Publié le 25 avril 2016 par Mathieu St-Hilaire

Crédit photo : Gracieuseté Warner

Il n’y a pas si longtemps, j’écrivais un article sur la carrière de David Bowie afin de souligner sa triste mais magistrale fin de vie. Bowie avait tenu à garder sa maladie secrète, donc sa mort eut un effet coup de poing à travers le monde, d’autant plus qu’il venait tout juste de faire paraître un album avec Blackstar. Quelques mois plus tard, alors que bien des artistes rendent encore hommage à Bowie, une autre étoile de la musique pop s’est éteinte subitement jeudi dernier à l’âge de 57 ans: Prince. La nouvelle a laissé une autre onde de choc un peu partout, non seulement dû au très jeune âge du multi-instrumentaliste du Minnesota, mais aussi car il demeurait, comme à son habitude, extrêmement actif.

Durant sa carrière, Prince Rogers Nelson a fait paraître une quarantaine d’albums. Nul besoin de mentionner que son apport à la musique est d’une grandeur qui ne fait aucun doute. Son répertoire est tellement colossal qu’il serait un peu prétentieux de vouloir résumer son long parcours en quelques centaines de mots. Il est toutefois impossible de dissocier l’artiste des années 1980. Un peu comme David Bowie avec les années 1970, il semble que cette décennie lui ait carrément appartenu. Bien sûr, Michael Jackson et Madonna furent des mégas stars, mais Prince est dans une autre stratosphère lorsqu’il est question de l’abondance de richesses qu’il a produites.

Parce que Prince produisait ses œuvres de A à Z. De l’écriture à la performance en passant par la réalisation et les arrangements. Rarement a-t-on vu un artiste à la fois aussi prodigieux et divertissant. Il était capable de faire de la magie avec n’importe quel instrument, surtout à la guitare. Sa virtuosité lui permettait d’y aller de spectacles hauts en couleurs avec des mises en scène flamboyantes. Comme Bowie, Prince accordait une importance à l’aspect théâtral de la musique, que ce soit lors de ses tournées, au cinéma ou bien dans ses vidéoclips. Non seulement maîtrisait-il le son, mais aussi l’image. D’ailleurs, difficile d’imaginer MTV sans Prince, n’est-ce pas?

Et comme tout grand artiste, Prince savait aussi mêler les cartes et jouer sur plusieurs tableaux. Ses paroles à connotations hautement sexuelles pouvaient faire passer Mick Jagger pour un moine. Ses tenues vestimentaires mélangeaient et défiaient constamment les genres. Évidemment, toutes ces «provocations» n’auraient pas eu le même effet si ce n’avait été de la qualité exceptionnelle de ses œuvres. À ce niveau aussi, Prince allait dans toutes les directions. Il était à la fois inspiré par les grands de la musique noire américaine tels que James Brown, Sly & the Family Stone, Stevie Wonder et Jimi Hendrix, autant que par les Beatles, Joni Mitchell et T. Rex. Prince représentait la diversité comme personne d’autre.

Son premier grand album est un peu passé sous le radar du grand public. Paru en 1980, Dirty Mind n’a probablement pas eu l’effet escompté au niveau des ventes d’albums. Pour les critiques, c’est plutôt l’inverse: l’album est encensé pour son ingéniosité et sa mixture de disco, funk et rock. Il s’agit possiblement de l’album qui a façonné l’identité musicale ainsi que la personnalité artistique de Prince. Définitivement la carte cachée de sa discographie et un de ses meilleurs disques selon votre narrateur.

Il faut attendre deux ans plus tard avant de le voir éclore pour de bon. En effet, le long-jeu 1999 contient quelques petites bombes qui prennent d’assaut les palmarès. La chanson-titre annonce un Prince encore plus ambitieux et un son beaucoup plus grand que nature. L’amalgame des styles est plus présent que jamais, les synthétiseurs new wave et les rythmes funk gagnant rapidement les radios, la télévision et les planchers de danse. La pièce «Little Red Corvette» fait son apparition dans le top 10 et Prince devient un joueur majeur sur la grande scène de la musique pop.

L’apogée créatif et commercial du jeune prodige survient en 1984 avec Purple Rain, l’un des meilleurs albums des années 1980 et également la bande originale du film du même nom. Malgré la démesure évidente du projet, Prince réussit à y livrer probablement les meilleures chansons de sa carrière, ce qui fera de lui une superstar. Purple Rain offre neuf pièces irréprochables et vendra un ahurissant total de 22 millions d’exemplaires à travers le monde. Il s’agit de l’un des rares albums pop parfaits que tout le monde devrait posséder dans sa discographie, avec des tubes comme «Let’s Go Crazy», «When Doves Cry» et la sublime chanson-titre où Prince semble y laisser une partie de lui-même tellement la pièce est riche en émotions.

Il poursuivra son rythme effréné les années suivantes, livrant Around the World In a Day en 1985 et Parade en 1986. Il atteindra la première position avec le succès «Kiss», Prince demeurant toujours capable d’écrire des chansons contagieuses munies d’un sex-appeal saisissant. Comme s’il n’était pas déjà assez inspiré, il livre, en 1987, l’album double Sign O’ the Times, toujours considéré aujourd’hui comme l’une de ses œuvres majeures. Lovesexy suivra en 1988, et Prince terminera la décennie par un coup d’éclat avec la bande originale du film Batman, qui vendra plus de onze millions d’albums.

La disparition de l’artiste touche-à-tout laisse un vide consternant tellement la majorité des vedettes pop d’aujourd’hui sont directement influencées par Prince. De Justin Timberlake à Beyoncé, il semble que l’on puisse facilement repérer des côtés de Prince un peu partout où l’on regarde et où l’on prête l’oreille.

Pour ma part, Prince aura contribué à bâtir des ponts entre une multitude de styles musicaux et de références culturelles qui ne s’alliaient pas naturellement. L’aisance avec laquelle il a su réussir ces métissages n’a pas son égale.

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