Une soirée avec Santana au Centre Bell de Montréal

Pas une minute de plus, pas une de moins, Santana et sa bande sont montés sur scène à 20h30 tapantes sous les applaudissements disparates de la foule qui se remplissait encore. Le temps importait peu; tout se retrouvait dans la force de ses doigts. C’est la pièce «Soul Sacrifice» qui fut jouée en ouverture, avec un support bien apprécié des vidéos de 1969, l’époque de Woodstock. Il faut dire que c’est l’une des chansons qui a marqué le festival et qui est encore reconnue comme l’une de ses meilleures prestations à ce jour. Dommage pour ceux qui n’étaient pas encore arrivés, car cette première pièce nous a directement transportés pour un moment mythique.

Celui à qui on reconnaît une force silencieuse, et qui se définit dans un style latino-rock teinté d’un blues torride, nous a ensuite permis de nous dégourdir les jambes à l’aide de la chanson qui a déjà su occuper la première position du Billboard Hot 100: «Maria Maria». Entre deux déhanchements aux reins solides, la salle semblait craquer sous les pas de danse que pouvaient se permettre les spectateurs. À partir de ce moment-là, il était possible d’affirmer que l’énergie mexicaine s’était emparée du Centre Bell, et ce, pour de bon.

Plus la soirée avançait, et plus le baromètre affichait une température élevée, et probablement des boutons de chemise en moins, pour certains. Vers le milieu du spectacle, Carlos Santana se permit de prendre quelques minutes pour effectuer un discours lourd de sens, mais léger dans le ressenti. Appuyer par des images affichant de belles citations quelques fois aux airs de prémâchés, il nous envoyait des ondes-chocs à l’aide de ses propres mots: «You are meaningfull, you count». Ce fut suffisant pour qu’une vague d’applaudissements ferme sa déclaration pour un monde en paix.

Des solos de guitare ravageurs

Plusieurs moments forts sont venus ajouter une saveur unique à l’expérience sensorielle du spectacle. Nous avons eu droit, entre autres, à des solos bien tenus lors de la pièce «Europa» et «A Love Supreme» de la part du 15^e meilleur guitariste de tous les temps selon le magasine Rolling Stones. L’envie de l’accompagner à l’air guitar était alors à son apogée. Il faut souligner aussi les prestations plus qu’admirables de plusieurs de ses musiciens. Nous avons succombé sous le doigté habile de son claviériste et de ses airs de charleston mêlé à du jazz. Du bonbon pour les oreilles, malgré quelques difficultés à discerner le son de la guitare de Santana et le sien, même, pendant quelques passages.

Évidemment, ils étaient plusieurs, et ce fut dans la pluralité des moments forts que le spectacle a su tirer son charme. La batteuse et femme de Santana, Cindy Blackman, nous en a mis plein les oreilles et surtout plein la vue lorsque les projecteurs se sont tournés sur elle pour lui laisser l’entièreté de la scène lors de la pièce «Freedom In Your Mind». Ses baguettes glissaient sur la peau des tambours et sur les cymbales de façon si facile qu’elles semblaient ne plus tenir entre ses doigts. Le bassiste a aussi donné son tour de force avec des passages de popping et de slap qui laissa la foule dans une béatitude complète.

Santana IV

Même si Santana n’a effectué que deux pièces de son dernier album Santana IV, sorti le 15 avril dernier, la soirée était concentrée sur ses plus grands classiques et s’est terminée avec une pièce typiquement latine avec «Oye Como Va». Cette mélodie entraînante, tirée de l’un de ses meilleurs albums en carrière, Abraxas, suffit pour laisser le public dans admiration absolue pour la légende qu’il est. Notons qu’il s’est amusé avec deux guitares à la fois pendant la soirée; admirable.

En conclusion, Santana, à l’aide de l’expertise et de l’énergie contagieuse de ses musiciens, a su nous donner un concert rythmé à la hauteur de son âge, et ce, pendant plus de deux heures. Malgré sa présence se faisant parfois discrète, il n’a pas perdu son amour pour la musique. Sa tournée «An Intimate Evening With Santana» porte bien son nom, car l’évidence est là: ce soir-là, ce fut toute une fiesta.