LittératurePolars et romans policiers
Crédit photo : Actes Sud
Óðinn, père monoparental, et sa fille Rùn, semblent sur le point de succomber à ce que l’on croit être un assassinat par asphyxie dans une voiture. Indésirable démarre ainsi en trombe avec sa «fin», laissant immédiatement dans son giron tous ces «pourquoi» et ces «comment». Et si cette catastrophe était le résultat d’une enquête trop audacieuse d’Óðinn sur Krókur, ce foyer éducatif réservé aux adolescents à problèmes dans les années 1970?
Car voilà que les fantômes du passé ressurgissent à mesure que l’enquête avance. Krókur cachait de multiples secrets qui pourraient en expliquer un autre: comment Larà, l’ex-femme d’Óðinn, a-t-elle pu trouver accidentellement la mort en tombant de sa fenêtre? Qu’est-ce qu’Óðinn faisait sur les lieux de la chute cette nuit-là? Et qu’est-il arrivé à ces deux garçons, retrouvés morts, eux aussi asphyxiés, dans la voiture des propriétaires du foyer en 1974? Tout semble louche, tout reste en suspens dans l’air, et le lecteur le ressent. La lumière du couloir doit demeurer allumée pour composer avec ce roman sombre.
Indésirable, c’est toute cette histoire déployée en deux temps, entre deux époques pas si lointaines. Guidé par une certaine Aldis, employée de Krókur témoin de phénomènes curieux dans les années 1970, et l’époque présente, où il suit la paranoïa grandissante d’Óðinn, le lecteur entre dans un univers où rien ne semble touché par les attributs de la chaleur. Si les morts mystérieuses laissent planer le doute en permanence, l’écriture incisive, sans détour, presque froide, devient vite envoûtante et enveloppe tout d’une couche supplémentaire de mystère qui époumone.
Yrsa Sigurðardóttir nous happe dans notre imaginaire dès le départ, et nous tient en haleine tout au long du récit. Enfin, presque… Car malgré un début endiablé et une intrigue accrocheuse, l’auteure donne l’impression de manquer de souffle à la toute fin, la vraie, où des coïncidences grotesques viennent conclure une histoire qui nous a pourtant tenu sur le bout de notre chaise pendant près de trois cents pages. Comme s’il y avait une quinzaine de pages en trop.
Dans les cinquante dernières pages, l’aura de mystère s’effrite à une vitesse phénoménale et la chute est pauvre et prévisible. L’environnement dans lequel se déroule le récit joue sur une foule de préjugés plus ou moins vrais concernant l’Islande – froideur, lumière absente, consanguinité – et les personnages manquent de profondeur. S’ajoute finalement à ces failles une autre, mais d’envergure celle-là: Indésirable ressemble à un travail inachevé, bâclé. L’auteure semble se diriger vers une histoire quasi mystique avec ces voix et ces présences tapies dans l’ombre, qui nous donnent la chair de poule par moment, pour finalement dévier vers le drame familial qui tombe à plat. Une erreur que le lecteur remarquera très certainement avec une grande pointe de déception.
Et dire que l’auteure nous avait à sa merci depuis le début…
«Indésirable» d’Yrsa Sigurðardóttir, Éditions Actes Sud, collection Actes Noirs, 42,95 $.
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de la rédaction