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Crédit photo : www.facebook.com/lecoeurdemadamesabali
Sur papier, Le cœur de madame Sabali a tout pour plaire.
On commence le décompte avec une comédienne mignonne à croquer (Marie Brassard). On poursuit avec un style visuel coloré et enchanteur rappelant l’univers de Wes Anderson (les comparaisons avec ce dernier s’arrêteront là).
S’ensuit un synopsis délicieusement absurde, racontant grosso modo la résurrection sexuelle d’une femme, Jeannette, ayant parallèlement à ses activités intimes des visions d’une vie antérieure, suite à une transplantation du cœur. Le fils de la donneuse croira d’ailleurs dur comme fer que Jeannette est la réincarnation de sa mère décédée.
Puis, enfin, la bande-annonce nous promet un ton pince-sans-rire des plus prometteurs. Le message lancé est clair: on va s’amuser et passer du bon temps. Et pourtant…
La plupart des situations censées provoquer les rires font patate. Pas parce qu’elles ne sont pas drôles; pas parce que les interprètes sont mauvais et pas non plus parce que le public n’y comprend rien. Le problème touche à l’un des fondements essentiels en humour, quel que soit son genre: le sens du timing. Pensez à la meilleure blague, au meilleur sketch que vous connaissez, et maintenant imaginez la chose se dérouler au ralenti. Pour la peine et pour souffrir un peu, laissez couler un bon trois secondes entre chaque réplique de dialogue. Ça paraît peu, mais l’impact d’un tel délai est énorme. Le coeur de madame Sabali se montre exsangue et en grand besoin d’un pacemaker pour le ranimer.
Vous savez que ça a le potentiel d’être comique, vous voyez les ficelles, le mécanisme se mettre en place… et vous ne riez pas. Vous vous faites même presque une tendinite au poignet à force de vérifier l’heure sur votre montre. Parce que oui, même si Le cœur de madame Sabali ne dure qu’à peine 78 minutes, vous trouverez le temps long et serez même frappé de constater à quel point le film patine et ne se rend au final nulle part. La faute à un script trop mince et étiré jusqu’à presque en déchirer.
La réalisation de McKenna n’aide en rien sa cause. En effet, c’est toute une collection de petites saynètes, filmées en plan fixe avec personnages bien centrés, qui s’enchaînent l’une à la suite de l’autre. Si d’une part cette tactique permet d’obtenir de jolies captures d’écran, il va sans dire qu’en contrepartie le dynamisme du film dans son ensemble en souffre un tantinet (déjà qu’il affichait avec ses dialogues la même vivacité, que dis-je, la même fougue qu’un paresseux venant de se faire écraser par une camionnette).
Plus positivement, le film permettra à certains (j’en fais partie) de découvrir la musique succulente du duo malien Amadou et Mariam, apparaissant dans leurs propres rôles à l’écran pour deux scènes, dont un enterrement où ils parviendront tout de même à nous faire dodeliner de la tête.
On ne pourrait non plus passer sous silence ce moment anthologique au cours duquel Marie Brassard se livre à une séance d’effeuillage digne de Jamie Lee Curtis pour le film True Lies, devant les yeux impassibles de son mari désintéressé. De loin l’une des meilleures scènes du film.
Ryan McKenna rate donc la cible, mais la beauté dans tout ça, c’est qu’il aura la chance d’ajuster son tir au prochain essai. Il serait bête de lui lancer trop de pierres, alors que seulement quelques petits ajustements ici et là auraient fait passer Le cœur de madame Sabali du statut de film traînant de la patte, à celui de petite perle.
Surveillez ce bonhomme, il en vaut la peine.
L'avis
de la rédaction