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Crédit photo : Charline Provost
Et c’est probablement l’excitation collective qui régnait dans l’air, celle de voir de nos yeux vu cette starlette au visage angélique, qui a eu raison de notre baisse d’intérêt par moments et causé de nombreuses interruptions au fil du spectacle. La faute revient principalement à l’artiste elle-même, qui est descendue à maintes reprises au-devant de la scène pour serrer les mains de ses fans invétérés, leur faire des accolades ou leur donner la bise, en plus de signer des autographes et de prendre quelques selfies au passage.
Les autres spectateurs, ceux qui n’avaient pas les deux bras accotés sur la barrière, étaient obligés d’endurer les mille et un caprices des groupies dans l’attente d’une reprise imminente du spectacle, qui tardait parfois à venir. Il faut avouer qu’on se sentait parfois exclus, surtout lorsque des fans l’enserraient à travers leurs pinces, lui confiant dans l’oreille des petits secrets qui n’auront jamais atteint nos oreilles et qu’on ne pouvait que visionner, dans une version muette, sur l’un des trois écrans géants.
Autrement, et lorsqu’elle avait les deux pieds sur scène, Lana Del Rey a fait preuve d’une grande maturité, livrant tout à tour l’ensemble de ses succès, et ce, dans une suite logique qui lui a permis de revisiter les meilleurs titres de ses deux albums, Born to Die et Paradise.
C’est la pièce inédite «Cruel World» qui a ouvert le bal, une courte introduction qui a servi d’amuse-gueule à «Cola», avant qu’Elizabeth Woolridge Grant n’entre sur scène sous une sale d’acclamations révélant l’excitation de milliers de spectateurs, qui avaient déjà brandi à bout de bras leurs téléphones intelligents pour immortaliser le moment.
Vêtue d’une robe légère de couleur blanche à motifs, Lana Del Rey s’est dirigée élégamment jusqu’au centre de la scène, dans une démarche traduisant ses années d’expérience en mannequinat. Derrière elle, on pouvait admirer deux paires de palmiers disposés de chaque côté d’un écran géant, sur lequel étaient diffusés soit des animations, soit des extraits de ses vidéoclips, en plus d’une grande chaise en osier, placée au milieu, et de plusieurs cierges allumés.
Heureusement pour le public, l’auteure-compositrice américaine a pris quelques libertés, offrant des improvisations pour au moins justifier son déplacement. Son groupe de quatre musiciens a très bien livré la marchandise, surtout son guitariste durant «Body Electric», qui a livré un puissant solo pendant que la belle était accrochée à son dos. Son interprétation de «West Coast», à paraître sur Ultraviolence le mois prochain, a été fort bien accueillie, mais moins intensément que «Born to Die», qui a littéralement suscité l’engouement général.
«That sound so good», a-t-elle lancé un brin timide, avant de se flatter la tignasse, tic qu’elle a dû répéter au moins une cinquantaine de fois tout au long du concert. Toujours dans cette ambiance très intime, Lana Del Rey a enchaîné avec «Carmen», «Young and Beautiful», cette solide pièce qui figure sur la trame sonore de Gatsby, «Summertime Sadness», «Million Dollar Man» et «Without You», qu’elle a offerte plutôt que «Gods and Monsters», qui a été exclue du setlist de Montréal. Si, encore une fois, elle s’était épargné quelques visites dans les premiers rangs, le concert aurait été plus fluide, et surtout mieux dirigé.
La soirée s’est par contre terminée avec un dernier bloc chargé en émotions, durant lequel Lana Del Rey a interprété joliment «Ride», la pièce inaugurale de Paradise, ainsi que «Video Games» et «National Anthem», qui a clôturé le spectacle en… queue de poisson. En effet, pendant que son band s’évertuait à distraire la foule avec un session jam ultrarock, Lana s’occupait, quant à elle, de faire (encore) plaisir à ses fans, fondue dans la masse compacte des gens au parterre.
Puis elle est remontée sur scène pour offrir un dernier au revoir, avant de quitter la scène sans même revenir pour un rappel. Quelques huées se sont fait entendre l’espace de deux ou trois secondes, avant qu’un éclairage dru envahisse la patinoire du Centre Bell, confirmant que la soirée était bel et bien terminée.
On retient donc de ce concert une belle symbiose entre l’artiste et son public, la preuve étant qu’elle a préféré cajoler les spectateurs plutôt qu’offrir un menu musical plus étoffé. Peut-être a-t-elle préféré gaspiller du temps précieux, dans un spectacle qui durait en plus seulement 75 minutes!, pour casser l’image de l’artiste snobe et blasée qui n’a pas besoin de l’affection d’un public pour être bien dans sa peau? Bref, c’est déjà pardonné, mais trop, c’est comme pas assez, comme on dit ici au Québec.
Jimmy Gnecco
Leader de la formation rock américaine Ours, Jimmy Gnecco a été seul sur scène pour défendre son honneur, avec pour seule compagnie sa guitare acoustique d’un noir lustré. Le chanteur a gratté énergiquement les cordes de son instrument durant 30 minutes, y allant de ballades rythmées qui nous ont fait découvrir un excellent vocaliste, capable de dynamiser un morceau plus doux par la simple force de ses cordes vocales. Avec une voix qui faisait parfois penser à celles de Jared Leto (dans ses moments d’intensité) et Raine Maida (dans ses envolées vers les aiguës), Gnecco a mis la table de belle façon, ne manquant pas d’envoyer des fleurs à sa compagne de tournée: «Je dédie ce morceau à la belle et talentueuse Lana Del Rey, après l’avoir vue pour la première fois durant une performance à la télévision». www.jimmygnecco.com.
L'avis
de la rédaction
Grille des chansons
1. Cruel World
2. Cola
3. Body Electric
4. Blue Jeans
5. West Coast
6. Born to Die
7. Carmen
8. Young and Beautiful
9. Summertime Sadness
10. Million Dollar Man
11. Without You
12. Ride
13. Video Games
14. National Anthem