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Crédit photo : Dare to Care
Tapi dans l’ombre de la créativité de Julien Mineau et de ses nouveaux collaborateurs, Simon Trottier, Benoît Rocheleau, Patrick Lavoie, Julie Fontaine et Virginie Parr, se trouve Fontarabie, un projet orchestral qui laisse se muter de fortes images dans une ambiance sombre et glauque. Avec une teinte particulièrement cinématographique (parlez-en à la très belle «Gastrula»), l’auditeur est emporté dans un univers envoûtant, largement enveloppé de zones d’ombres et de peu de lumières, où des fantômes nous susurre des mots à l’oreille pendant que des instruments hantés jouent d’eux-mêmes dans un manoir inhabité…
De ce fait, c’est cette noirceur qui, malgré la fascination qu’elle cumule, empêche d’être immédiatement emporté par cet objet particulièrement riche et soigné. La pièce d’ouverture «Morula» donne sans conteste le ton avant qu’une voix reconnaissable fasse sa grande apparition sur «Union libre avec la peur». Du coup, assez éloigné des allures rock et pop du groupe principal de Mineau, Fontarabie expérimente et se rapproche de l’album Labyrinthes, le plus mésestimé du groupe, qui rejoignait le même style d’ambiguïtés et de demi-teintes musicales.
Il ne faut toutefois pas bouder son plaisir. Très loin d’être monotone, Fontarabie n’est décidément pas dénué de charme et, si sa méthode de séduction peut certainement en rebuter plus d’un, nul doute qu’elle est bien présente. Avec un son singulier, qui pastiche les atmosphères des vieux films d’horreur en noir et blanc notamment, on peut déchiffrer une richesse musicale particulièrement gagnante au fil des écoutes, comme en font foi les pièces de fermeture «Cosmogonie» et «Serpentine». Après tout, durant les quatorze morceaux du disque, on alterne entre pièces avec chant et instrumentales, ce qui confère au disque toute l’ampleur recherchée, lui accordant une audace démesurée qui rejoint le pari risqué des nombreuses ambitions de Mineau.
À ce propos, sur fond de valse fantomatique, la pièce-titre «Fontarabie» sait synthétiser avec élégance toute la classe et le style qu’on a voulu donner au projet et à l’album, qui fait montre du grand travail qu’on lui a accordé au courant des dernières années. Celles-ci ont certainement été fort bénéfiques à ce laboratoire créatif conçu dans le plus grand secret d’où en ressort quelque chose d’aussi beau que mystérieux et non pas démuni d’espoir, comme la très vive, accrocheuse et excellente «Larve humaine» sait en faire la preuve.
Ainsi, encore bercé et hanté par la magnifique «Gemma Galgani», on doit alors admettre que Fontarabie est la preuve que Julien Mineau, ce grand manitou du groupe Malajube, n’a pas mis son talent au vestiaire. Mieux, laissant pour la première fois interagir ses démons au lieu de simplement en parler sous forme de textes métaphoriques, ce projet a permis d’extirper l’ombre du créateur et, celle-ci, avec toute sa noirceur, ses imperfections et ses tentatives camouflées, est décidément loin d’être inintéressante.
«Fontarabie» est disponible exclusivement en format numérique. La version physique sera disponible à compter du 10 juin. La formation offrira également un concert orchestral unique le 15 juin prochain au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts dans le cadre des FrancoFolies de Montréal.
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de la rédaction