LittératureBandes dessinées et romans graphiques
Crédit photo : Éditions Mécanique générale
Diplômée en graphisme du Cégep de Sainte-Foy en 2009, Bach (Estelle Bachelard) nous propose son premier album en solo. Elle a déjà publié dans le collectif Je me souviendrai, en 2012, chez La boîte à bulles. Armée d’un incroyable sens de l’observation, l’auteure présente les filles dans des situations banales, mais ô combien réalistes, du quotidien. Chaque lectrice pourra se reconnaître dans les différentes séquences. Que ce soit la passion pour les chaussures ou cette journée de magasinage qui s’annonce si bien… et qui ne donne aucun résultat, chaque anecdote regorge d’authenticité.
L’assemblage de nombreuses saynètes peut donner l’impression que les personnages sont stéréotypés. En effet, l’accumulation d’anecdotes «typiquement» féminines donne l’impression que les femmes adoptent des comportements ridicules et, surtout, qu’elles en sont conscientes. Par exemple, lors d’un voyage à Paris, Estelle constate l’élégance des Parisiennes. Elle interrompt immédiatement sa ballade avec Charles, son chum, pour parcourir les magasins. Elle sait très bien que son besoin de renouveler sa garde-robe pour quelques jours à Paris est absurde, mais c’est plus fort qu’elle. Elle souhaite désespérément appartenir à cette mode. La lectrice trouvera assurément que les femmes sont représentées comme les stéréotypes le proposent: superficielles, spontanées et de véritables bombes d’émotions.
Toutefois, les dialogues et surtout la façon de penser d’Estelle, le personnage principal, représentent bien l’état d’esprit d’une fille bien éveillée. Bach adopte un style populaire, sans détour. Les personnages discutent vraiment comme les gens discutent en réalité. La ponctuation, soutenue par les expressions faciales du personnage, transmettent bien l’état d’esprit d’Estelle ou même de Charles. D’ailleurs, l’illustration des émotions nous donne l’impression d’être dans un film muet où les situations sont surjouées. En guise d’exemple, celle-ci remet en doute la plupart de ses choix et se convainc elle-même qu’elle a fait une erreur, notamment au moment de couper ses cheveux. En y repensant, elle voit son chum remettre en question ses choix parce qu’elle voulait d’abord les laisser pousser. Elle s’imagine alors qu’elle est lâche et sans volonté. Bref, elle fait une montagne avec une simple coupe de cheveux. Il s’agit d’un des nombreux exemples du livre. Par conséquent, certaines lectrices ou même lecteurs pourront trouver que Bach en fait trop, qu’elle joue encore une fois dans le stéréotype.
Si nous pouvions d’abord penser à un album au premier abord féminin, les hommes curieux sauront aussi y trouver leur compte. En effet, le personnage du chum, Charles, n’agit pas comme figurant. Il bonifie le récit en confrontant Estelle à ses nombreuses excentricités. En plus d’être à l’écoute de sa copine, il ne manque pas de se défendre, ou même de lui partager sa vision de la gent féminine. Il fait preuve de patience à la cabine d’essayage, proposant même d’aller chercher d’autres tailles. Il n’hésite pas à lui dire qu’il joue peut-être à des jeux vidéo, mais que sa passion pour le magasinage démontre sûrement un amour pour jouer à la poupée, car elle aime essayer de nombreux tenues comme une petite fille le fait avec sa poupée préférée. Il embarque totalement dans la folie d’Estelle en étant lui-même enfantin et, d’un autre côté, il fait preuve d’une grande maturité en l’accompagnant dans le ménage et en écoutant ses conseils vestimentaires. Enfin, il incarne très bien le rôle du copain qui tente vraiment de comprendre sa blonde afin de ne pas créer de flammèches inutiles. En fait, le personnage est particulièrement «croustillant» parce qu’il a toujours le mot juste qui provoque la réaction d’Estelle.
Les histoires de Bach sont empreintes de réalisme et de situations vécues. Le souci du détail assure la richesse des illustrations. En fait, la lectrice aguerrie retrouvera une ambiance semblable à celle de Pénélope Bagieu, bédéiste française. Les personnages prennent toute la place et le décor n’est là que pour appuyer les anecdotes. Les traits sont simples et précis. Sans être chargées de détails, les cases sont le reflet du quotidien en montrant, par exemple le Swiffer essentiel dans une rage de ménage, et la passion d’Estelle pour Ricardo. D’ailleurs, il est impossible de passer sous silence l’anecdote concernant le célèbre cuisinier lors d’un Salon du livre. Estelle fait la file pendant des heures pour rencontrer Ricardo et lui faire dédicacer sa… mijoteuse! Les lecteurs pourront être particulièrement d’accord avec Charles qui se questionne réellement sur le «trop grand» bonheur que Ricardo procure à sa copine. Sans contredit, une des anecdotes les plus comiques du livre.
Bien sûr, toutes les femmes sont différentes. Pourtant, chaque lectrice, et éventuellement chaque lecteur, pourront trouver une fille qui répond à ces nombreux critères. On ne peut que conclure que Bach a une grande habileté d’observation pour les situations comiques et les relations de couple. Il faut toutefois sortir de l’image sexiste et stéréotypée de la femme. Il faut ouvrir ses oeillères et considérer ces anecdotes comme le reflet des différentes anecdotes romancées. Celles-ci se veulent humoristiques. Les femmes peuvent avoir quelques-uns des comportements reportés ici ou même plusieurs. Quoiqu’il en soit, Bach a su les reproduire avec justesse et sans mettre trop de fioritures. Une bande dessinée parfaite pour un moment d’humour aux portes de l’été.
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de la rédaction