Littérature
Crédit photo : Elise Lagacé
J’ai parcouru les allées où s’exposaient plus de 1 000 éditeurs et les auteurs disponibles pendant les quelque 4 600 séances de dédicaces. Cette année, plus de 109 000 visiteurs auront passé les tourniquets, presque autant que l’an dernier, une belle réussite considérant que les moyens de pression des enseignants ont fait diminuer le nombre de groupes scolaires, un public important pour cet évènement.
J’a déambulé au fil des kiosques et des animations et me suis entretenue avec différents acteurs de ce milieu dynamique qui, même si les temps sont durs, ne s’avoue pas vaincu. Il régnait un esprit de collégialité, une ambiance qui rappelle un peu les partys de Noël. La gravité des premiers instants a vite fait place à une certaine gaieté et dans l’ensemble on n’était pas avare de sourires.
Voici mes highlights de salonneuse aguerrie:
Les visiteurs du Salon du livre sont une faune variée et éclectique; on passe de l’intello à la dame bien fringuée, aux adolescents déguisés comme les personnages de leurs séries favorites. Certains des auteurs présents ont atteint des niveaux de popularité que la Place Bonaventure peine à contenir. Il m’a presque fallu tenter le bodysurfing pour me sortir de l’impasse quand la procession Éric-Emmanuel Schmitt, qui quittait une animation suivie par ses fans, est entrée en collision avec les files de Ricardo et d’India Desjardins.
Difficile de trouver Charlie dans cette posture.
Là où la foule était moins dense, je suis triste de le dire, c’était au kiosque d’Amnistie Internationale, où l’on pouvait signer les pétitions visant à faire libérer des écrivains emprisonnés pour la simple faute de s’être exprimés. Pour ma part, je suis allée signer chacune des pétitions et j’y ai glorieusement écrasé le pied d’un passant en me reculant pour prendre une photo des chaises vides symbolisant ces absents, une mise en scène très parlante (les chaises vides, pas moi qui écrase des pieds).
J’ai ensuite fait un petit détour pour me retrouver chez Bayard où une bataille de boules de neige faisait rage entre les auteurs et les gens de la maison qui s’en donnaient à coeur joie avec Mariloup Wolfe, qui venait d’arriver en séance de dédicaces pour le coffret de La Guerre des tuques. Celui-ci était assorti d’un ensemble de boules de neige en styromousse, une belle idée en 3D pour accompagner le livre.
J’ai une peur bleue des mascottes (pourquoi? pourquoi des mascottes ici?!) et c’est en les évitant que je me suis retrouvée aux Éditions Fides où j’ai rencontré Guylaine Girard qui a piloté le projet d’Encyclopédie de la cuisine en Nouvelle-France. Voilà la somme de 15 ans de travail d’un auteur passionné (Jean-Marie Francoeur) et rassemblé en un magnifique pavé de presque 600 pages. Mme Girard rayonnait de fierté devant l’accomplissement d’un si beau projet qu’elle a mené de main de maître et réalisé avec la même équipe que la splendide réédition de la Cuisine raisonnée qui a fait notre bonheur au début des années 2000.
Ça sent le cadeau de Noël en titi!
Ensuite j’ai rebondi chez Hurtubise où l’ambiance était bon enfant. La relève était sur les lieux, des enfants des employés pliaient des sacs à la caisse. L’auteur de la biographie de Camilien Houde, Robert W. Brisebois, m’a raconté une blague en voyant que je travaillais pour la Bible urbaine: «J’ai connu un homme qui a dit à son fils: “Si tu veux que je t’achète une voiture, lis la Bible, fais-toi couper les cheveux et arrête de t’habiller avec des guenilles”. Quelques jours après, le garçon revient vers son père sans avoir changé son apparence et lui dit: «Papa, j’ai lu La Bible, mais ça raconte l’histoire d’un gars avec les cheveux longs et habillé tout croche, faque, je peux-tu l’avoir mon char?» J’ai bien ri, comme je suis amatrice de ce genre de blagues. J’en ai profité pour m’attarder à leurs séries jeunesse avant de quitter.
Puis j’ai dérivé vers les pénates de la maison XYZ tout à côté, où la responsable des communications, Geneviève Harvey (une vraie dynamo), m’a parlé du projet fort intéressant de Tristan Malavoy dans la Collection Quai no5. Il a donné une même prémisse à plusieurs auteurs: «La disparition de Michel O’Toole». Chacun d’entre eux y est donc allé de sa version et toutes sont réunies dans un petit bouquin fort plaisant. Dans la version numérique, un concours a permis aux lecteurs de créer leur version et l’histoire gagnante a été ajoutée à la version numérique du livre. Belle idée!
Je suis ensuite passée vers une animation où l’auteur Guy Taillefer racontait ses voyages en Inde, mais la fin de la période lui a coupé la parole et les spectateurs sont restés avec leurs questions sans réponses. Mes pas m’ont donc portée vers le kiosque des PUM pour retrouver l’ouvrage (bonne technique de vente, finalement!). Mais, j’ai préféré un bouquin de l’ethnologue Roland Viau, Amerindia, qui m’a vraiment accrochée. Le nouveau directeur de la maison, Patrick Poirier, était présent et discutait avec des lecteurs. Nadine Tremblay, directrice de l’édition, y était aussi et m’a confirmé que «L’Inde dans tous ses états» était un bijou et surtout, très accessible. J’ai toujours été fascinée par le système des castes, c’est sur ma liste!
Aux Éditions de l’Homme, il fallait jouer du coude pour se frayer un chemin. Là aussi, des beaux cadeaux de Noël, pour les gars «Le bon mix», un livre concept sur l’art de recevoir en toute mixologie sur le thème du «boire moins et boire mieux». C’est à ce kiosque que j’ai appris qu’il paraît que la première neige tombe tous les ans lors du Salon du livre de Montréal. La mince couche de neige de mardi matin a sauvé la véracité de cette affirmation.
Chez Lux, je me suis offert Naomi Klein, parce que c’est un devoir social que d’acheter ses livres et je suis ensuite allée me mettre un pied dans la bouche en fumant une clope (acrobate à mes heures). J’y ai rencontré un Monsieur que je croyais être un éditeur de ma connaissance, mais qui s’avérait être un auteur français que je ne connaissais pas du tout. Il était en visite à ses propres frais pour faire la promo de son bouquin «Avance!» En même pas trois semaines, il en avait déjà vendu 1 200 exemplaires. C’est un résultat très impressionnant et un Monsieur fort charmant, même si j’ai dû tout répéter trois fois puisqu’il ne comprenait absolument pas mon accent. Je l’ai évidemment googlé dès qu’il a disparu de ma vue et son nom est… Laurent Debaker.
Après cet épisode édifiant, je me suis retrouvée devant Joséphine Bacon qui fumait elle aussi, pleine d’élégance et de noblesse. Comme ça m’arrive, je me suis pâmée et j’ai fini par détourner le regard, quand elle m’a rendu mon stare et que je me suis rendue compte que je devais avoir l’air débile. C’est pathologique chez moi: je suis groupie d’écrivains. Parlant de groupie, mon pire moment c’est quand je n’ai pas pu me retenir d’aller dire aux filles de TPL que j’avais trouvé leur livre bin hot et qu’elles étaient bin hot et que blablabla bin hot. Quand elles ont suivi la corde blanche jusqu’à mon badge, je l’ai vite caché avec ma main et je me suis sauvée.
Ça a presque battu la fois où, retrouvant un Donald Westlake esseulé lors d’une séance de dédicace, je me suis exclamée: «Mais êtes-vous vraiment Donald Westlake? Où est la file? Vous êtes un génie!!!» Il ne m’avait vraiment pas trouvée drôle et avait refusé mon offre d’aller lui chercher un café. Sur ces beaux souvenirs je me suis promenée d’éditeur en éditeur, partout, que du beau, Héliotrope, Ta Mère, Quartanier, Alto et j’en passe parmi les 1 000 qu’on retrouvait là.
J’ai terminé mon parcours par le stand de Québec Amérique, où l’on retrouvait trois primo-romanciers très épanouis: Élyse-Andrée Héroux, Anne-Marie Vertefeuille et François Racine. Marie-Noëlle Gagnon, leur éditrice, me les a chaudement recommandés tous les trois, mais je n’en ai choisi qu’un seul puis j’ai recueilli les signets des deux autres pour ne pas les oublier.
La vie est cruelle parfois.
Je garde donc de très beaux souvenirs de mon périple littéraire annuel et je suis ressortie avec beaucoup d’admiration pour ces gens qui pratiquent leur métier avec tant de passion, de ténacité et de ferveur. Cela m’a donné de l’espoir pour ce milieu qui, économiquement parlant, en arrache.
Pendant la dernière année, on a pu voir une guerre de titan entre Renaud-Bray et Dimedia, la chute d’un géant avec la Courte échelle qui, tranquillement, se relève grâce à la dévotion de ses nouveaux propriétaires et, sous peu, Renaud-Bray devrait compléter l’achat de la chaîne Archambault.
Partout des coupures de poste, partout des épées de Damoclès, mais juste en dessous de ces menaces qui pointent, des visages sereins et souriants. Pourquoi? Piste de réponse: tous ceux que j’ai rencontrés ou croisés savent pourquoi ils font ce qu’ils font, tous pour la même raison: pour l’amour du livre. Je pense qu’il n’y a pas de meilleur moteur.
À l’an prochain!
L'événement en photos
Par Elise Lagacé