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Crédit photo : Les Films Séville
S’étant illustrée lors d’une intervention tactique dans une maison piégée, une jeune agente du FBI (Emily Blunt, Edge of Tomorrow) est enrôlée par la CIA pour prendre part à une opération secrète visant à traquer un caïd de la drogue. Conduite par un agent d’élite un peu trop intrépide (Josh Brolin, No Country for Old Men) et un homme énigmatique qui semble agir à titre de consultant (Benicio Del Toro, Traffic), son escouade débarque dans la ville frontalière de Juárez, au Mexique, où la désolation et la violence extrême sont des affaires du quotidien. Bousculée en territoire hostile, elle sera contrainte à faire face à la sauvagerie d’une guerre dont elle sous-estimait largement l’étendue.
Après Polytechnique et Incendies, puis Prisoners et Enemy – tous remarquables à leur façon –, Denis Villeneuve a déjà prouvé qu’il n’a pas peur de toucher aux plus sombres territoires de la nature humaine et, surtout, qu’il possède un don pour traduire ces derniers au grand écran. Dès le premier acte de Sicario, il envahit le spectateur de ce même sentiment d’appréhension pesant sur son héroïne alors qu’elle pénètre dans ce no man’s land bouillonnant, exacerbé par la bande sonore incisive du compositeur encensé Jóhann Jóhannsson. D’ailleurs, c’est en sachant si bien s’entourer que Villeneuve a trouvé la clé du succès international.
Primo, en sélectionnant la crème des scénarios originaux (celui-ci est signé Taylor Sheridan), il prouve d’abord qu’il est doté d’un flair extraordinaire pour les récits de poids, profonds et poignants, qui s’éloignent des clichés naturels du genre auquel ils appartiennent.
Secundo, rares sont les directeurs de la photographie dont on reconnait le nom, mais si celui de Roger Deakins ne vous dit rien, il serait sans doute temps d’en prendre bonne note. Avec une carrière de plus de trente ans qu’il poursuit toujours et pas moins de douze nominations aux Oscars sous la cravate (pour The Shawshank Redemption, Fargo, Skyfall et Prisoners, entre autres), c’est un véritable virtuose de la caméra et, après les frères Coen et Sam Mendes, il semble avoir parfaitement apprivoisé l’art de notre réalisateur québécois. Si beaux qu’on les croirait peints, les contre-jours poussiéreux et les prises de vue aériennes de Sicario sont à frémir. Quant aux scènes d’action, dont certaines sont tournées à travers les lunettes à vision nocturne des personnages (à la Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow), elles jouissent d’un caractère immersif sans égal, agrippant d’autant plus le spectateur, qui ne verra certainement pas passer ses deux heures de visionnage.
Ajoutez-y une performance exceptionnelle de Del Toro, subtile et admirablement féroce à la fois, et on obtient un film intense, engageant, auquel on rendrait mieux justice en lui attribuant la valeur d’expérience cinématographique. Si Sicario ne fait pas pleuvoir les récompenses sur la tête de ses artisans, rien ne le fera.
«Sicario» prend l’affiche au Québec dès aujourd’hui.
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