«Chasse au Godard d'Abbittibbi» d'Éric Morin – Bible urbaine

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«Chasse au Godard d’Abbittibbi» d’Éric Morin

«Chasse au Godard d’Abbittibbi» d’Éric Morin

Le lointain ira mieux demain

Publié le 1 novembre 2013 par Jim Chartrand

Crédit photo : Funfilm Distribution

Oeuvre singulière d'une liberté absolue, à défaut d'être extrêmement diversifiée à tous les niveaux, Chasse au Godard d'Abbittibbi, à l'image de ses personnages d'une certaine façon, se perd malheureusement en cours de route, nous oubliant tristement au passage.

Hommage vibrant à la Nouvelle Vague (mouvement cinématographique historique dont le Godard du titre est d’ailleurs issu), voilà un premier long-métrage qui souffle un magnifique vent de fraîcheur dès ses premières minutes. Inspiré d’un fait divers, Éric Morin développe une réflexion douce-amère sur l’éternelle quête identitaire du Québécois typique, histoire d’établir le fait que ce malaise date définitivement d’hier.

Franchement inusité, on relate le passage d’un cinéaste réputé internationalement à Rouyn-Noranda, en 1968, alors que son équipe chamboule petit à petit le bien-être, la vie et la routine de la région. Plus précisément, on s’attarde au triangle composé de Paul, Michel et Marie, soit un homme de télévision de la grande ville versus un petit couple du bout du monde. D’abord plein de possibilités et d’espoir, à l’inverse de ce que l’on pourrait croire, c’est une sensation de cul-de-sac qui s’en ressort au fur et à mesure que les péripéties ne fond que tourner en rond.

Si les acteurs se débrouillent tous franchement bien, c’est encore l’occasion à Sophie Desmarais de briller. Essence féminine par excellence, elle pimente le récit à sa façon avec son énigmatique mais irrésistible charisme, trouvant ici un autre rôle de choix qui est malheureusement sous-développé, regardant vers le lointain alors qu’on la quitte au moment où on avait encore plus le désir de la suivre.

Toutefois, ce qui brille encore plus, à l’inverse du scénario qui couvre un peu trop de terrain et qui stagne ici et là, c’est définitivement la réalisation de Morin. Allumée et plein d’inventivités, rappelant une liberté similaire à celle de Michel Gondry par moments, il multiplient tout, autant dans son style que dans ses références, évoquant tour à tour le vieux cinéma français que notre cinéma québécois. Magnifiquement mis en image par Louis-Philippe Blain, il laisse également la voix à un peuple qui ne s’est pas vraiment de quoi il parle, constamment repris par un narrateur omniscient aux limites sarcastiques, qui vient contrôler les réflexions des spectateurs. Mieux, il laisse une place de choix à la musique par le biais d’intermèdes, de poèmes et autres, mais surtout, grâce à de divines compositions de Philippe B, tout comme sa chanson L’amour est un fantôme qu’on n’entendra plus jamais de la même façon.

Ainsi, Chasse au Godard d’Abbittibbi, extrêmement bien intentionné et faisant bon augure dans un cinéma québécois qui ne sait pas toujours sur quel pied danser, pourrait bien lancer une fascinante série sur la création du Québec comme on le connaît aujourd’hui, habilement influencé par la culture et les arts. Face à un objet aux limites expérimentales qui semble incomplet, on en prendrait définitivement plus et on est certainement curieux de savoir ce qui se passe avec ces personnages qui, le temps d’un instant, s’entêtent à nous hanter.

La trame sonore

À noter que la trame sonore du film est disponible dès aujourd’hui et qu’elle contient absolument tout ce que vous pouvez entendre dans le film. De quelques citations ciblées, en passant par les compositions originales de Philippe B, jusqu’à des chansons qu’on croirait plus superflues, on a même droit à «Cheminant à la ville» interprétée par Sophie Desmarais et à une version inédite de «L’amour est un fantôme». Mention spéciale aux thèmes 1 et 2 de «Noranda», sublimes mais diablement trop courts, ainsi qu’à «Peau de minuit» chantée par une méconnaissable Ariane Moffatt.

Chasse au Godard d’Abbittibbi prend l’affiche ce vendredi 1er novembre. La trame sonore est disponible en format numérique sous l’étiquette Bonsound.

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