LittératureRomans québécois
Crédit photo : Boréal
Le roman s’ouvre sur un prologue puissant. Le ton du narrateur, qui s’adresse au lecteur à la deuxième personne, est agressif et réalistement négatif. Plongeant dans le vif du sujet, soit l’amitié entre hommes (véritable guerre d’égos) et la perte de ces mêmes amis avec l’âge, le lecteur est rapidement introduit au personnage qu’est Jérôme Borromée. «Tu fréquentes donc les amis qu’il te reste, ceux qui ont insisté pour continuer de te voir, qui reviennent toujours à la charge malgré tes désistements accumulés. Quand tu n’as plus d’excuses pour décliner l’invitation ou te décommander, tu fais comme tu as fait ce soir, tu te rends à reculons jouer le rôle de la visite.» En effet, le prologue offre cette scène où lui et sa blonde Catherine, «sa solitude complémentaire», passent une soirée chez un couple d’amis. Les efforts de Jérôme sont insuffisants, il trouve le temps long et il fuit le décor par les cigarettes et l’alcool. À la fin de cette introduction, le narrateur soulève sans doute l’ultime question du roman: «[…] jusqu’à quel point t’as pas besoin d’amis[?]»
Par la suite, les chapitres s’enchaînent comme autant d’anecdotes et de ce qu’on pourrait qualifier de nouvelles tant les chutes sont surprenantes. Selon ce système de répétitions et de variations, on assiste en accéléré aux amitiés majeures qui ont ponctué la vie de Jérôme Borromée, et ce, de son enfance jusqu’à l’âge adulte. Par exemple, en utilisant la fin d’une amitié de longue date, l’auteur est en mesure de comparer des amitiés qui existent par habitude à celles authentiques, ou même de mentionner le caractère envahissant de certains individus. Ces histoires d’amitiés sont des prétextes pour toucher à une tonne de sujets: la découverte et l’exploration de la sexualité, la culpabilité, la manipulation, la confiance, la jalousie, la réussite, la maladie…
Bien que de nombreux sujets soient abordés, ils le sont toujours de façon pertinente et les chapitres ne s’étirent jamais inutilement. L’auteur ne craint aucun tabou et ne tombe pas dans les clichés. Le lecteur est intéressé et est souvent interpellé par des phrases qui ne pourraient pas être plus frappantes. Entre autres, cette réflexion de l’adolescent qu’était Borromée: «… tu préférais nettement être considéré comme un violeur que craindre qu’on te croie tapette.»
Malgré une finale plutôt confuse qui laisse perplexe quant au message du narrateur, le premier roman de Bourque est une lecture agréable. Accrocheur par sa forme qui s’apparente au recueil de nouvelles, les sujets qu’il aborde ne laissent pas indifférents. On accueille avec plaisir cet univers masculin aussi touchant que choquant.
L'avis
de la rédaction