LittératureRomans québécois
Crédit photo : Éditions XYZ
«Je me suis levée. Je n’en pouvais plus d’être couchée. Je fais quelques étirements. Je bois au pichet. Des gestes automatiques. Cela me fait penser à ma vie d’avant. Celle où j’avais un chez-moi, un boulot. Celle où tous mes gestes étaient automatiques. Entre ma vie d’avant, dans une boîte en carton, et ma vie de maintenant, dans une pièce grise, je me demande s’il y a vraiment une différence».
Emma, 26 ans, est assistante téléphonique le jour et prisonnière de son brouillard d’alcool le soir. Pour se désennuyer, elle s’envoie sa dose de téquila quotidienne dans le gosier et espère ainsi échapper à l’emprise du temps jusqu’au soir où deux hommes en noir entrent chez elle et la kidnappent. À son réveil, elle se retrouve dans une prison en béton, avec pour seuls éléments de décor un matelas et un globe au plafond.
Les jours passent et se ressemblent. Emma se réveille, se questionne, se lève, s’étire, dessine, dort, se réveille à nouveau et tente de comprendre ce qui a bien pu lui arriver. Dans cette nouvelle prison à l’intérieur de laquelle Emma est encore plus retranchée du monde, les hommes en noirs, ceux qu’elle surnomme «Ils», lui donnent à son insu de l’eau fraîche et veillent à son entretien corporel. Ils? Eux? Qui sont ces hommes en noir et pourquoi l’ont-ils choisie, elle?
Un beau jour, un deuxième matelas s’ajoute au décor de sa cellule et Emma constate qu’un homme d’âge mûr endormi l’occupe, un bras posé derrière la tête. À son réveil, elle est forcée d’interagir avec ce Julien, qui n’accepte pas du tout sa nouvelle condition de prisonnier. Ensemble, ils tenteront de faire la lumière sur leur kidnapping et, qui sait, essayer de s’en sortir. Mais pourront-ils s’échapper de leur prison? Et, la question qui demeure en suspens dans leur tête: qu’ont-ils en commun?
Avec ce court roman d’à peine 160 pages, Claudine Dumont s’attaque à l’existentialisme et à la condition humaine avec une intrigue qui rejoint en quelque sorte le Huis clos de Jean-Paul Sartre, mais avec la tension effrayante qui a propulsé les films Décadence (2004) de James Wan et Cube (1997) de Vincenzo Natali au rang des grands incontournables.
Violence extrême en moins, Claudine Dumont a aussi misé sur un style d’écriture fragmentaire pour rendre compte de la conscience torturée de son protagoniste. Avec des phrases majoritairement courtes parfois composées d’un mot, d’un verbe ou d’un déterminant, Anabiose est ce type de roman où la pensée est alimentée par la peur la plus pure. À défaut de réellement servir l’intrigue, ce style d’écriture parfois alourdissant finit par faire moins d’ombrage au récit et on se plaît, au final, à vouloir connaître coûte que coûte le sort ultime d’Emma et de Julien.
Pour un premier roman, Anabiose de Claudine Dumont offre un tandem de personnages mystérieux mais complexes, une intrigue haletante soutenue par une narration découpée au couteau, avec un coup de théâtre final qui confirme à lui seul le talent de l’auteure. Après avoir refermé le livre, à regret, on se permet d’espérer qu’un jour ou l’autre cette histoire sera adaptée au théâtre ou au cinéma.
«Anabiose» de Claudine Dumont, Éditions XYZ, 160 pages, 18,95 $.
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