MusiqueCritiques d'albums
Crédit photo : Polydor
Trent Reznor est un multi-instrumentiste accompli, jouant lui-même presque tous les instruments sur ses enregistrements, à exception de la batterie. Ingénieur de son et programmeur autodidacte, il est surtout reconnu pour son côté perfectionniste. Il n’hésite pas à construire son propre studio ou à prendre le temps nécessaire pour travailler sur chacun des arrangements. Il est le seul maître de NIN. Parmi ses influences, soulignons Adam Ant, Gary Numan, Skinny Puppy, Ministry et David Bowie.
Bien que Nine Inch Nails ne soit pas le précurseur de la musique industrielle, leur façon d’aborder les mélodies, la structure pop des chansons et les paroles très personnelles de Trent Reznor ont fait en sorte qu’il y a une franche distinction d’avec les autres artisans du genre. On n’y retrouve pas la froideur qui les caractérise, on ressent plutôt l’humanité derrière la distorsion et les textures mécaniques en boucle.
NIN change le paysage musical en lançant son premier disque Pretty Hate Machine (1989), qui allie des sonorités électroniques, l’omniprésence des synthétiseurs et un rythme définitivement agressif. S’ensuit Broken, un maxi sur lequel on entend avec intensité le venin de Reznor: sa colère est palpable et la guitare, hargneuse.
Cependant, c’est le magistral The Downward Spiral (1994) qui passe à l’histoire. Cette offrande contient les classiques «March Of The Pigs», la subversive «Closer» et la superbe ballade «Hurt». Cinq ans plus tard, il nous offre The Fragile, la critique souligne le manque d’évolution du chanteur. Par la suite, plusieurs offrandes ont paru, recevant un accueil mixte à chaque fois. C’est avec The Slip (2008) que NIN retourne dans les bonnes grâces des critiques et des mélomanes.
À la première écoute d’Hesitation Marks, l’auditeur sera vivement étonné; le son est beaucoup plus pop, certainement plus accessible, et c’est un changement de registre par rapport à ce que NIN nous avait habitué. Une fois remis du choc initial et après l’avoir écouté à quelques reprises, on reconnaît le style d’échantillonnage «reznoresque», les riffs de guitare, le degré de sophistication des arrangements et la fluidité avec laquelle les morceaux se juxtaposent avec harmonie. Le musicien semble avoir une vie personnelle heureuse et cette parution le reflète; les sentiments de rage, de violence et de sexualité complexe sont quasiment absents. Il ne faut cependant pas se méprendre: les paroles de certaines chansons demeurent obscures, le questionnement est présent; il explore les thèmes de la noirceur, de la fatalité et du doute qui le tenaille.
C’est le cas avec la magnifique et très langoureuse «Various Methods Of Escape», qui parle de désespoir et de résilience. L’excellente «I Would For You» est un cri du cœur entremêlé de la peur inévitable de revivre les moments les plus ténébreux d’une existence marquée par le tourment. Les pièces «Came Back Haunted» et «Copy Of A» sont électroniques et industrielles, et se rapprochent de la sonorité typique de la formation. «Everything» est l’une des grandes surprises de l’offrande, c’est un morceau ultra pop au ton joyeux, voire optimiste – eh oui, on parle bien de NIN – si on ne pouvait reconnaître la voix du chanteur, on ne devinerait pas qu’il s’agit du groupe derrière «Head Like a Hole».
«Hesitation Marks» est un excellent disque que l’on apprend à estimer si on fait un effort. Mais ce n’est pas du NIN conventionnel, la transformation est importante; les admirateurs vont soit se rallier, soit bouder. Pour les intéressés, Trent Reznor et sa bande seront en spectacle au Centre Bell de Montréal le 3 octobre prochain.
L'avis
de la rédaction