Sorties
Pour la deuxième fois, Gradimir Pankov, le directeur artistique des Grands Ballets Canadiens de Montréal, a choisi Stephan Thoss pour la création du plus récent spectacle de la compagnie, le ballet Rêve. Il avait mis en scène Searching for Home (de Philip Glass) en 2011, production qui avait reçu de très bonnes critiques.
Bible urbaine a assisté à la représentation du 17 mai afin d’y découvrir l’imaginaire de Stephan Thoss. Natif de Leipzig, il a étudié à la fameuse École de danse Palucca de Dresde (en Allemagne de l’Est). Il est devenu danseur soliste et, par la suite, chorégraphe. Véritable artiste multidisciplinaire, il conçoit également les décors, les costumes, l’éclairage et la trame musicale de ses ballets. Son curriculum vitae est impressionnant. Il a signé plus de quatre-vingt œuvres, classiques et contemporaines, au courant des vingt-cinq dernières années.
Le danseur allemand est reconnu pour son style particulièrement expressif, pouvant exprimer clairement par le mouvement corporel une émotion, pour sa scénographie qui est épurée et percutante ainsi que pour son choix de musique complètement éclaté. Rêve est un voyage fantasmagorique par lequel l’angoisse reliée à la création artistique est illustrée, et ce, à travers le récit de la Rêveuse, une écrivaine qui a la hantise de ne pouvoir donner une fin aux histoires et aux personnages qui peuplent son univers.
Son esprit, qui alterne entre l’état d’éveil et de songe, est pourchassé par le Rêveur, une ombre qui se faufile continuellement à ses côtés, symbolisant la conscience de l’auteure, et qui cherche à la prévenir du risque encouru par une histoire inachevée. Perdue dans son monde imaginaire, la Rêveuse est confrontée à ses propres personnages, ainsi qu’à elle-même.
Cette chorégraphie, que Stephan Thoss ne souhaite nullement expliquer dans ses moindres détails, représente aussi sa propre détresse en tant que créateur. Cette exploration du monde de l’inconscient puise son inspiration de l’expressionnisme allemand de Rudolf von Laban et surtout du peintre belge René Magritte. Par ailleurs, plusieurs tableaux de ce ballet font référence à certaines de ses œuvres les plus populaires telles que La Trahison des images (celle qui comporte la fameuse inscription: ceci n’est pas une pipe), Le Fils de l’homme (le visage à l’image d’une pomme verte), le poisson et la Golconde.
La musique est éclectique; nous assistons à un habile mélange de Beethoven, James Brown et de rythmes électroniques. La mise en scène est spectaculaire, les danseurs sont impressionnants et la cadence est fluide; aux moments empreints de délicatesse se succèdent ceux qui sont plus énergiques, frôlant la folie, comme le rêve sait si bien la dessiner. Sur la scène, on y voit se produire simultanément des tableaux en parallèle et la scission entre les deux mondes est réalisée à l’aide d’un cadre. La transition, à quelques rares instants, dévoilent quelques failles, mais rien qui nous empêchent d’interrompre notre utopie collective. Ce fut une excellente soirée, les spectateurs se sont levés pour applaudir les danseurs et le chorégraphe.
Rêve est présenté les 16, 17, 18, 23, 24 et 25 mai à 20h au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts. Visitez le site des Grands Ballets Canadiens pour de plus amples informations: Spectacle Rêve.
Appréciation: ****
Crédit photo: Grands Ballets Canadiens
Écrit par: Isabelle Lareau