LittératureRomans étrangers
Crédit photo : Michel Lafon
Heureusement pour elle, leur voisin Lenny, ex-pédophile repenti et voyeur à ses heures, deviendra en quelque sorte le père attentif qu’elle n’auront jamais eu, car lui-même vivant seul dans sa grande maison à la manière d’un ermite, sa solitude lui permettra de se lier rapidement d’amitié avec ces deux jeunes adolescentes aux abois, ses voisines qu’il se plaît tant à surveiller, en cachette.
Roman polyphonique à trois voix narratives, Le doux venin des abeilles de Lisa O’Donnell alterne donc la vision des trois protagonistes, Marcie, Nelly et Lenny, dans un enchevêtrement de confessions qui alimenteront la trame narrative du roman, lui donnant ainsi tout son poids et son caractère à la fois percutant et irrévérencieux.
L’auteure adopte une plume frivole, à la limite de la condescendance, qui dresse bien le portrait des jeunes banlieusards écossais d’aujourd’hui. Phrases coups de poing, dialogues alternant l’humour noir et le sarcasme, l’effet est explosif et le lecteur entre littéralement dans une dynamique qui le force à s’attacher malgré lui à ces deux jeunes délinquantes qui vivent dangereusement en raison de leur éducation et de leur laisser-aller évident.
Bien sûr, à travers cette histoire de meurtre, qui devient rapidement une tragédie inconfortable pour tous, Lisa O’Donnell nous force à contempler, à travers ses propos déguisés et ses péripéties percutantes, le portrait d’une société d’enfants délaissés par leurs parents, faute de surveillance et d’affection. Car Marcie et Nelly, au fond d’elles-mêmes, ont gardé espoir d’être aimées, mais avec les parents qu’elles ont eus, leurs faits et gestes deviennent rapidement l’écho d’une colère refoulée depuis belle lurette.
Finalement, à la question: «Ont-elles réellement assassiné froidement Izzy et Gene?», qui taraudera l’esprit naïf de la plupart des personnages autour d’eux, mais aussi celui du lecteur, lequel est laissé en suspens, il faut plonger tête première dans ce récit singulier qui, malgré son dénouement quelque peu étiré en longueur, dénote bien les bémols d’une société problématique.
«Le doux venin des abeilles» de Lisa O’Donnell
Éditions Michel LAFON
362 pages, 28,95 $
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de la rédaction