«Carrie & Lowell» de Sufjan Stevens – Bible urbaine

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«Carrie & Lowell» de Sufjan Stevens

«Carrie & Lowell» de Sufjan Stevens

L'album du deuil

Publié le 1 mai 2015 par Mathieu St-Hilaire

Crédit photo : www.asthmatickitty.com

Il y a une dizaine d’années, Sufjan Stevens faisait la promesse de réaliser un album sur chaque État américain. Bien entendu, il s’agissait d’une tactique promotionnelle, car son expérience s’est arrêtée à deux albums (Michigan, en 2003 et le grandiose Illinois, en 2005). Depuis, Stevens a réalisé quelques projets ici et là, mais jamais rien à la hauteur de ses premières offrandes. Il nous revient officiellement en 2015 avec son septième long-jeu, Carrie & Lowell.

Stevens aurait pu déclarer qu’il s’agit d’un album sur l’Oregon, car le thème principal de l’œuvre fait en sorte qu’il revisite souvent des moments de son enfance et de sa jeunesse. En 2012, la mère de Stevens, avec qui il avait apparemment toujours eu une relation houleuse, meurt d’un cancer. L’auteur-compositeur-interprète puise son inspiration dans le deuil qu’il a vécu suite à ce décès. Il intitule son album simplement Carrie & Lowell, prénoms de sa mère et de son beau-père, respectivement.

Pour ce faire, Sufjan Stevens retourne aussi à ses racines musicales: un folk épuré, minimaliste, sans orchestrations. Il n’y a aucun flafla, aucun artifice et c’est exactement l’effet désiré; un folk atmosphérique intime où guitares acoustiques, banjos, piano et ambiances au synthétiseur se rejoignent lentement et doucement. Même s’il s’agit d’un retour aux sources qui rappelle son album Seven Swans (2004), Stevens y incorpore des éléments subtils de son évolution musicale de la dernière décennie.

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Chaque pièce possède une mélodie magique, que Stevens agrémente d’arrangements simples mais précieux. Sa voix, et c’est à se demander s’il y en a une plus belle dans l’univers musical, y est fragile et poignante. La qualité des mélodies peut rappeler Simon & Garfunkel ou bien Elliott Smith. Tout au cours de l’album, on peut entendre l’artiste passer par toutes les étapes du deuil: déni, nostalgie, remords, tristesse, solitude, frustration, incompréhension, résignation. Sur «Fourth Of July», il est en pleine conversation avec sa mère. Sur son lit de mort, elle lui susurre: «Did you get enough love / My little dove / Why do you cry? / And I’m sorry I left / But it was for the best / Though it never felt right / My little Versailles».

Carrie & Lowell est une écoute unique, car il s’agit d’un album hyper-personnel. Il peut à la fois rendre inconfortable et agir comme fidèle compagnon. Sufjan Stevens ne se cache pas pour confier qu’il a plongé dans une profonde dépression lors de sa réalisation, allant jusqu’à consommer excessivement drogues et alcool.

Chaque grand artiste possède des albums classiques et des trésors cachés. Carrie & Lowell fera sans doute partie de la deuxième catégorie. Le temps nous dira s’il s’agit de son meilleur album mais, chose certaine, c’est son plus beau.

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