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Crédit photo : Mathieu Pothier
«It’s the weirdess show that I’ve done», s’est exclamée dans un même souffle la chanteuse née à Toronto d’un père argentin et d’une mère écossaise. Et en effet, il régnait une fébrilité dure à saisir, comme si toutes les émotions emmagasinées dans sa frêle personne n’avaient échappé à aucun spectateur, mais la foule s’est contentée de lui laisser carte blanche, malgré ses sursauts, ses soupirs, ses fous rires inattendus, comme si, dans un accord commun, chacun savait qu’elle en avait grand besoin.
Besoin de cette confiance aveugle, sans jugements; besoin de cette chaleur humaine qui, à elle seule, constitue le baume de tous les maux.
C’est donc dans cette ambiance à la fois confortable et incommodante qu’Alejandra Ribera a livré, sans fausses notes d’ailleurs, les meilleures pièces de son répertoire, allant de «La boca» à «No me sigas», deux poids lourds du plus récent album, qui l’ont d’ailleurs forcée à reprendre ses esprits, pour reprendre ses mots, avant de se pencher vers sa bouteille d’eau, dont elle avait grandement besoin.
«Je me sentis beaucoup d’émotions», a-t-elle confié au public dans un français approximatif, langue qui commence à faire du sens pour elle, qui voyage régulièrement en France. «Est-ce qu’on peut dire présenter une surprise», a-t-elle demandé, naïvement, pensant peut-être que sa question ne faisait pas de sens.
Devant l’enthousiasme de la foule, Alejandra Ribera a déclaré un chapelet de louanges à sa grande amie, douée, belle, féminine, Bïa.
Et à l’arrivée de cette grande femme rayonnante, avec ses souliers à talons rouge vif, plusieurs gens de l’assistance ont démontré leur joie haut et fort, saluant à coup de sifflements et applaudissements l’apparition surprise de l’artiste, dont le nouvel album Navegar sortira le 3 mars. Une fois les grandes amies réunies devant leur micro respectif, le spectateur a enfin compris une part de toute l’émotivité qui avait gagné Alejandra Ribera: dimanche, elle repart en France, et la semaine prochaine, Bïa lance son album, sans sa complice.
L’avantage, dans un sens, c’est que le public d’hier soir aura eu droit à tout un honneur, celui d’entendre en primeur la chanson «Cucurrucucu Paloma», que les cinéphiles ont pu découvrir dans Parle avec elle, magnifique opus de Pedro Almodovar, sorti en 2002. Ici, c’était Bïa qui flattait les cordes de sa guitare, littéralement, chantant de sa voix claire et puissante, en alternance avec Ribera, cette histoire tragique d’un homme qui arpente les rues, totalement seul au monde, pleurant le décès de sa bien-aimée dans un souffle sentant la mort à plein nez.
Ainsi balancé entre différentes sources d’énergie, le spectateur, comme sur la coque d’un bateau qui tangue en pleine mer, s’est retrouvé immergé dans l’univers d’Alejandra Ribera, où le tragique côtoie l’espoir, où l’amour côtoie la mort, où la musique transporte vers un ailleurs toujours plus beau.
Le plus beau moment de la soirée est sans conteste ces quelques minutes où elle a joué une nouvelle chanson, «Carry me», qui fut certainement le moment le plus enchanteur, et cet hommage à un grand ami, Jim Corcoran avec «Un cygne, la nuit», dont le chant fut assuré par son guitariste Jean-Sébastien Williams.
Déjà une belle promesse pour le futur.
L'avis
de la rédaction