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Crédit photo : Louis-Charles Dumais
Ils étaient pourtant plutôt nombreux, réunis au Verre Bouteille un dimanche soir, mais les spectateurs ont su faire preuve d’une très grande écoute alors que Corriveau livrait la totalité de son dernier opus, Les ombres longues, quelques chansons issues du premier, et même une nouvelle composition. Et même si au départ, on aurait presque cru écouter le disque lui-même, tant le son recréé sur scène avec ses musiciens était fidèle à celui enregistré, il faut dire qu’après quelques morceaux, le chanteur a réussi à rehausser d’un cran l’intensité de ses pièces.
Antoine Corriveau est là, sur scène, tout simplement, et on aurait l’impression qu’il ne se donnerait pas moins s’il y avait seulement six personnes plutôt qu’une centaine. Imperturbable durant ses performances, comme lui-même absorbé par l’obscurité de ses chansons, il se révèle pourtant souriant et tout à fait charmant dès que la dernière note de sa guitare électrique a fini de résonner. Peu bavard, il n’a néanmoins pas manqué l’opportunité de blaguer avec les gens présents dans la salle ou de raconter une ou deux anecdotes, notamment à propos du lancement de son premier album dans le même lieu ou du fait qu’il ait oublié sa sangle de guitare acoustique pour le spectacle.
«Est-ce qu’il y en a qui connaissent mon premier album?» a-t-il demandé après une demi-douzaine de chansons, avant de renchérir, devant le peu de réponses positives, «Juste deux? Bon bien c’est pour vous deux!», en entamant l’intense «Distance usuelle», issue de St-Maurice/Logan. L’humour de Corriveau surprend, car il contraste d’importante façon avec ses compositions très sombres, mais il permet également un équilibre dans le spectacle, devant autant de noirceur.
Accompagné d’un bassiste, d’un guitariste électrique, d’un batteur, d’un percussionniste-claviériste et d’une violoncelliste, Corriveau a offert un spectacle très ancré dans le rock, comme en témoignent les performances énergiques de «Tu es comme la nuit», qui s’est terminée sur une grande envolée instrumentale où la batterie et les guitares électriques se faisaient aller de plus belle, et «Noyer le poisson». C’est aussi dans l’intensité qu’un des plus beaux numéros de la soirée s’est fait, grâce à la pièce «La tête en marche», qui a clôturé la performance.
Malgré la ferveur avec laquelle les musiciens accompagnateurs de Corriveau ont livré ses chansons folk-rock, l’artiste a bien su créer de beaux moments de douceur et d’une toute autre sorte d’intensité. C’est «Le temps des coupes à blanc» qui a, la première, été jouée dans son plus simple appareil, guitare minimaliste et voix sensible, ne faisant qu’accentuer davantage encore la beauté du texte. Avec une finale instrumentale endiablée où tous les instruments se sont joints à la partie, Corriveau et ses complices ont offert le meilleur des deux mondes à cette magnifique chanson.
«Printemps, printemps» et l’appréciée «Le nouveau vocabulaire» ont toutes les deux fait la part belle au violoncelle de Marianne Houle, tout en démontrant le talent certain de Corriveau à la guitare et à l’harmonica. C’est d’ailleurs lors d’un moment où la guitare acoustique franche du chanteur et sa voix davantage dans l’émotion, supportée par le lap steel de Christian Gagnon durant «Je sors dehors», que l’artiste a le plus ravi. Mais c’est sans compter sa nouvelle pièce à propos d’hydravions jouée «sur un instrument dont je ne sais pas vraiment jouer, alors il faut être indulgent», c’est-à-dire le clavier, et son interprétation sentie, seul sur scène à la guitare acoustique, de «Aoûtement» (St-Maurie/Logan).
C’est une énergie et une intensité contenues qui habitent Antoine Corriveau, mais celles-ci sont envoûtantes, car parfaitement canalisées au service de l’interprétation et de la performance. Si ses sonorités sur scène se rapprochent autant de ses enregistrements sur disque, c’est que l’artiste ne cherche pas à plaire à tout prix ou à faire jaser. Il est là, fidèle à ses compositions, et authentique devant la foule, peu importe son nombre.
C’est d’ailleurs parmi elles qu’il a décidé de terminer la soirée, en rappel, en utilisant le piano du Verre Bouteille, dans la salle, pour chanter «Qu’est-ce qui te va?» version unplugged. Il a créé un moment unique, en demandant aux gens de chanter sur la voyelle «A», allant même jusqu’à se lever sur le banc de piano pour diriger le chant de la foule, tel un chef d’orchestre. Finalement, malgré la pénombre dans laquelle Antoine Corriveau a plongé ses spectateurs dimanche, ceux-ci l’ont suivi allègrement jusqu’à la toute fin, prouvant qu’il peut être extrêmement satisfaisant de se faire traîner dans la pénombre…tant qu’on sait doser et en émerger vers la lumière.
L’album Les ombres longues d’Antoine Corriveau est paru le 11 mars 2014. Ses deux prochains spectacles dans le contexte de sa résidence au Verre Bouteille auront lieu le 29 mars en trio avec violoncelle et batterie, et le 26 avril en formule band avec des invités spéciaux.
L'avis
de la rédaction
Grille des chansons
1. Un par un
2. La ville d'où on vient
3. Le temps des coupes à blanc
4. Printemps, printemps
5. Je sors dehors
6. Le nouveau vocabulaire
7. Distance usuelle
8. Nouvelle chanson
9. Aoûtement
10. Tu es comme la nuit
11. Noyer le poisson
12. Kilomètres
13. Et tu penses que je veux
14. La tête en marche
Rappel
15. Qu'est-ce qui te va?