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Crédit photo : Corentin Hignoul
Ils étaient deux, mais on aurait pu croire qu’ils étaient quatre, voire cinq. Whitehorse, alias Luke Doucet et Melissa McClelland, a tout de suite installé l’ambiance et donné une forte première impression: l’un à la batterie, jouant un rythme sur ses tambours et cymbales qu’il enregistre et fait rejouer en boucle; l’autre chantant dans un micro qui crée de la distorsion dans la voix, avant que tous deux ne se joignent à l’avant, chacun avec sa guitare autour d’un seul microphone, pour chanter avec aplomb, collés l’un contre l’autre. Plus que dynamique, le duo a tout de suite démontré qu’il a plus d’un tour dans son sac pour créer de nombreuses sonorités et donner l’impression d’être en full band.
C’est que les deux membres de Whitehorse sont de véritables multi-instrumentistes, et ils ne se contentent pas de jouer de plusieurs instruments: ils les maîtrisent à merveille. Que ce soit la batterie, la basse, la guitare électrique ou acoustique ou même le clavier, chacun a bien trouvé sa place durant la soirée, et parfois tous simultanément, grâce aux loop pedals elles aussi maîtrisées à la perfection.
Se promenant allègrement entre des ambiances plutôt folk, parfois à la limite du country, et d’autres un peu plus rock, le duo convainc toujours. Réussissant à créer des ambiances très intimes lors de performances sensibles autour du même micro, il n’en demeure pas moins qu’ils savent insuffler de l’énergie à leurs compositions et à la foule! Terminant presque chaque chanson par de grandes envolées instrumentales où les deux se laissent aller avec ferveur à de grands solos tantôt de guitare au style blues, tantôt de batterie dynamique, les deux artistes ont aussi prouvé leur grande qualité de musiciens.
Allant jusqu’à désaccorder sa guitare en finale d’une pièce pour atteindre une note différente, et remonter en l’accordant à nouveau, jusqu’à la note finale, Luke Doucet a à de nombreuses reprises au cours de la soirée impressionné par son niveau de jeu à la guitare. Véritable virtuose, il manie aussi bien les baguettes pour la batterie et la basse, tandis que sa femme s’est plutôt démarquée vocalement. Possédant une voix très polyvalente, McClelland a su démontrer toutes les nuances dans sa voix, prouvant une parfaite maîtrise vocale.
Et même si la chanson qu’elle a chantée seule s’est révélée plus faible que lorsqu’elle est accompagnée de Doucet, car moins originale et avec moins d’aplomb, la chanteuse s’en est tout de même bien tirée en tenant sa note finale un temps qu’on aurait dit infini. Néanmoins, c’est en duo que Whitehorse performe et impressionne le mieux, car la complicité qui unit les deux artistes est palpable, et le plaisir qu’ils ont à performer l’est tout autant. Beaux à voir avec autant de passion, les musiciens sont solides comme le roc, et lorsque leurs deux voix sont en harmonie, on voudrait que le temps s’arrête.
Ce fut notamment le cas lors de «Tame as the Wild Ones», une chanson écrite par Melissa McClelland à la demande de leur producteur, Gus van Go, qui trouvait que leur nouvel album manquait de chanson sexy. Et ce même enthousiasme de la part des spectateurs s’est retrouvé en rappel, alors que les deux complices ont encore une fois créé une bulle d’intimité autour du même micro pour chanter la chanson écrite par Antoine Gérin-Lajoie, «Un Canadien errant», que le duo avait repris en 2008 sur la trame sonore du film canadien One Week.
Une chose est certaine, c’est que Whitehorse ne manque pas de ressources, et il l’a prouvé tout au cours de la soirée, en usant d’ingéniosité dans les arrangements et de virtuosité en jouant de plusieurs instruments pour recréer au maximum les sonorités entendues sur disque, avec tous les instruments enregistrés. Avec leur passion, ils ont complètement charmé les gens présents à L’Astral, ce qui est de bon augure pour leur tournée qui ne fait que commencer, alors que 42 villes différentes les attendent durant les trois prochains mois pour y présenter Leave no Bridge Unburned.
Mentana
Alors qu’ils sont généralement cinq membres, c’est lui aussi en formule duo (et demie) que le groupe folk Mentana s’est pointé sur la salle de L’Astral, en ouverture de Whitehorse. Viviane Audet (portant la demie dans son ventre) et Robin-Joël Cool ont défendu à deux les chansons de leur EP Western Soil, paru le 2 septembre 2014. Et même si les guitares électrique et slide de Jo Fournier ou la batterie de Yannick Parent semblaient parfois manquer aux pièces plus rythmées telles «Shutdown» ou «Gamblin’ Man», il faut avouer que l’éclairage nouveau, plus sensible et intime, apporté aux morceaux n’était pas sans intérêt.
Charmant, le leader du groupe Robin-Joël Cool a raconté plusieurs anecdotes concernant les histoires ou inspirations derrière ses compositions. Ici, sa rencontre avec la poétesse innue Joséphine Bacon, en introduction à «You don’t know me», une adaptation originale du même poème repris en français par Alexandre Belliard dans son projet Légendes d’un peuple, et là, sa rencontre avec Viviane Audet, sur le pouce, avant de reprendre dans une magnifique version très folk et lente «The Vagabond», une chanson composée en 1904 par Ralph Vaughan Williams dans son recueil de chansons Songs of Travels.
La voix chaude et un brin écorchée de Cool est envoûtante, et lorsque supportée par celle, très claire et délicate, d’Audet, comme lors de duos comme «Where are you?», son impact est plus grand encore. Si Viviane Audet accompagne son mari au clavier et au banjolélé tout en chantant un peu ici et là, c’est véritablement lors d’une chanson présentée en primeur, composée pour le prochain film de Rafaël Ouellet, Gurov & Anna, qu’on l’a sentie totalement investie et qu’on a pu discerner toutes les nuances dans sa voix. De magnifiques harmonies entre les deux artistes ont également pu être entendues, donnant une performance aussi sensible que pleine d’assurance.
Même à deux plutôt qu’à cinq, Mentana n’a pas manqué de ressources lui non plus, prouvant que des versions plus intimes de ses chansons, même uniquement à la guitare et à l’harmonica, réussit tout aussi bien à faire passer ses messages engagés. Terminant sa performance avec «Western Soil», le groupe a de plus soudainement repris tout son aplomb, brisant un peu la bulle de folk tranquille, doux et intime installée, mais réveillant la salle afin qu’elle soit prête à accueillir Whitehorse. Cool et Audet, eux, sont presque prêts à accueillir leur bébé, ce qui explique que ce spectacle à L’Astral était sans doute l’un des derniers de Mentana avant un bon moment.
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de la rédaction