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Crédit photo : Simone
Surréaliste, bien sûr, parce qu’il explore des avenues que l’on sait inconnues de la chanteuse, que les histoires qui y sont présentées sont totalement extérieures à elle, et pourtant livrées de façon si personnelle et sentie. Mais surréaliste, aussi, parce que Si l’aurore ramène au goût du jour des sonorités qu’on aurait dit oubliées, notamment grâce à des claviers et à des synthétiseurs bien particuliers, aussi bien présents. C’est d’ailleurs un choix tout à fait assumé de la part de la chanteuse gaspésienne de laisser sortir tout ce qu’il y avait de kitsch en elle, et ça fonctionne de si jolie façon avec sa voix claire et pleine de sensibilité, qui elle ne s’est pas transformée, malgré la musique aux airs désormais rétro.
De la légèreté de celle qui comprend que son couple ne fonctionne plus mais qui trouve une solution – il faut remonter la machine, elle a été montée à l’envers – sur la dynamique et pleine d’espoir «Rien à faire», premier extrait radio et pièce qui ouvre l’opus, Marie-Pierre Arthur passe par plusieurs états sur Si l’aurore. La pièce-titre est pleine de résignation, alors qu’elle chante tout doucement «ça va finir / anyways / pourquoi pas rire / anyways» supportée par les jolies guitares de Joe Grass et un chœur réconfortant, alors que «Le silence» installe une ambiance très planante et pleine de sensibilité. Elle y reconnaît ses torts, avant que le mood ne change du tout au tout, laissant place à de dynamiques percussions de Robbie Kuster et le travail toujours impeccable de Grass aux guitares, pour qu’elle implore «Avant de te virer de bord / laisse-moi nous ramener à bon port.»
Ça semble apaisant et réconfortant dans la tête de Marie-Pierre Arthur, alors qu’on plonge dans une ambiance plus aérienne durant la douce «Dans ma tête», le seul morceau dont elle a composé seule la musique, sans l’aide de son réalisateur et amoureux François Lafontaine – les textes étant tous écrits à quatre mains avec sa complice Gaële. Et même s’il faut aussi mentionner la magnifique et sensible «La toile» durant laquelle elle reconnaît qu’une relation est toxique et conseille à son partenaire de se sauver avant d’aller trop loin, et aussi «Papillons de nuit» qui, avec sa belle mélodie, chante les dangers des amours éphémères, c’est véritablement en toute fin de parcours que Marie-Pierre Arthur se révèle le plus.
Imaginant une relation où elle quitterait le nid familial, la chanteuse se laisse aller à une sensibilité jamais entendue, où un petit grain nouveau se fait entendre, où même la voix craque, par moments, ce qui révèle encore plus de charme et de nuances dans sa voix alors qu’accompagnée du snare très solennel de Sam Joly, elle demande des promesses: «dis-moi que tout ira bien / que tu danseras toujours / que ton rire n’en finira jamais mon amour».
Avec un album aussi dense que Si l’aurore, bien entendu que tout ira bien et que nous continuerons à danser sur les rythmes mélodieux concoctés. Pour le rire à n’en plus finir, on le laissera à Marie-Pierre Arthur, qui en a un grand plein de sincérité et qui pourra se laisser aller sur la scène du Club Soda le 26 février prochain, dans le cadre de Montréal en Lumière, pour exprimer toute sa fierté de faire danser des gens en chantant des amours à la dérive.
L’album Si l’aurore de Marie-Pierre Arthur est paru sous l’étiquette Simone le 17 février 2015.
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de la rédaction