«Légendes d’un peuple – le collectif» débute sa tournée au Théâtre Outremont

Malgré l’excitation manifeste de Belliard d’enfin montrer les fruits de son long cheminement durant lequel trois tomes de Légendes d’un peuple sont parus, avant le projet collectif, c’est tout en délicatesse que la soirée s’est entamée. Stéphane Archambault et Marie-Hélène Fortin se sont amenés sans artifice au-devant de la scène, chantant tout doucement l’histoire de notre «pays de main tendue / vers l’avenir, vers l’inconnu», pendant que chacun des interprètes, tour à tour, s’avançait lui aussi, en un seul collectif rapaillé. Après quoi toute l’origine du projet de Belliard fût contée. Et qui de mieux que le chanteur-conteur de Mes Aïeux, Stéphane Archambault, pour raconter de vive façon toute cette aventure? «Ça prenait toute une tête de cochon, ou dans ce cas-ci une tête de Papineau!», a-t-il dit au sujet de Belliard, qui s’est montré ému d’un tel témoignage de respect.

Servant lui aussi de conteur tout au long de la soirée, Belliard s’est montré très heureux et souriant, fier même. Mais ses interventions, dans un langage relâché et souvent très anecdotiques (comme l’histoire de la maison achetée par ses parents à Varennes, où Papineau aurait dormi une nuit…), n’ont pas toujours bien servi le propos profond et poétique du spectacle. Car entre la performance comme une mise à nue de «Marie Rollet» par la sensible Mara Tremblay et le très incarné Patrice Michaud qui s’est montré sans guitare mais avec tout son aplomb pour interpréter l’histoire de «Paul Chomedey de Maisonneuve – Montréal 1642», il est clair que les chansons parlent d’elles-mêmes, et qu’il était souvent inutile d’en ajouter.

D’autant plus que les projections présentées durant les numéros proposaient eux aussi d’intéressants détails, quoique ce soit surtout en deuxième partie de spectacle que les images se soient révélées véritablement intéressantes et pertinentes. En montrant les noms, occupations et âges à la pendaison des patriotes au fur et à mesure que Paul Piché les chantait durant «Papineau» ou en présentant une vidéo d’archive dévoilant un témoignage du poète Denis Vanier avant et pendant la performance de Vincent Vallières, elles ont révélé leur potentiel et supporté à merveille les textes déjà révélateurs de Belliard.

S’il faut mentionner l’appropriée et tout simplement magnifique interprétation de «Je sais que tu sais» par Jorane, violoncelle à la main, en remplacement de Chloé Sainte-Marie et Joséphine Bacon (cette dernière ayant tout de même été entendue en enregistrement au milieu de la pièce), et l’appropriation réussie par Stéphane Archambault, Fortin à ses côtés au violon, de «Félix – Pieds nus dans l’aube» à la place de Richard Séguin, il serait toutefois faux de prétendre que tous les numéros étaient aussi bien réussis.

C’est qu’on aurait dit que certains, comme Vincent Vallières, Yann Perreau – aussi metteur en scène du spectacle – ou même l’énergique Alexandre Désilets, étaient trop en retenue, trop dans le convenu, du moins par rapport à ce dont on est habitué de leur part. «Marie-Anne Gaboury – Où tu vas, j’irai» est sur disque exactement dans le style de Désilets, avec ses synthétiseurs et sa mélodie dynamique. Sur scène, avec moins d’artifice, le fauve en cage que peut être l’artiste s’est bel et bien vu emprisonné dans cette interprétation plus acoustique, moins vivante.

Salomé Leclerc est véritablement l’une des seules qui semblent avoir réussi à s’approprier complètement les chansons, se montrant sur scène aussi à l’aise que lors de ses propres spectacles. Tellement qu’on se surprend presque à se demander si elle n’a pas écrit elle-même «Les Allumettières», une nouvelle chanson présente sur aucun tome des Légendes d’un peuple. Elle en a totalement fait sienne lors d’une performance en rappel tout en sensibilité et en ressenti, mettant l’accent sur les paroles décrivant l’histoire des femmes travaillant dans une usine d’allumettes à Hull et ayant déclenché la première grève syndicale féminine au Canada, en 1919.

Les musiciens sur scène, Denis Ferland (guitare, basse, harmonica), Guiddo Del Fabbro (violon) et Hugo Perreault (basse, guitare), en plus des polyvalents Éric Goulet (basse, guitare, piano) et Salomé Leclerc (percussions) lorsqu’ils n’étaient pas eux-mêmes au-devant de la scène pour interpréter leurs propres numéros, ont bien réussi à recréer l’univers musical étoffé de Légendes d’un peuple – le collectif. Et malgré certaines inégalités au niveau des performances, le public présent au Théâtre Outremont lundi a visiblement tout pardonné, applaudissant chaudement ce spectacle important pour notre mémoire collective. Important pour ne pas devenir «Un Canadien errant», comme la chanson d’Antoine Gérin-Lajoie interprétée par Paul Piché et Alexandre Belliard en toute fin de parcours, mais plutôt un fier Québécois.

Le spectacle Légendes d’un peuple – le collectif part en tournée et passera à L’Assomption, Beloeil, Gatineau, Val-Morin, Châteauguay, Saint-Jean-sur-Richelieu, Québec et Sainte-Thérèse dans les prochaines semaines. Les artistes présents varieront en fonction des disponibilités de chacun. Pour tous les détails, consultez le site web du Collectif.