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Crédit photo : Fox Searchlight
Un an après la sortie époustouflante de Dallas Buyers Club, Jean-Marc Vallée récidive avec un second opus tourné en sol américain. Son film Wild, basé sur le livre de Cheryl Strayed et dont les droits avaient été acquis par la maison de production de l’actrice Reese Witherspoon, aborde le deuil comme un rite de passage se traduisant par la très longue randonnée qu’est le PCT. Reese Witherspoon (qui semble vouloir laisser tomber les rôles de blondinettes sirupeuses pour faire honneur à son Oscar de la meilleure actrice dans Walk the Line), campe l’auteure Cheryl Strayed avec beaucoup d’aplomb. Présente dans toutes les scènes du film, elle se glisse aussi bien dans la peau d’une héroïnomane en quête de relations sexuelles malsaines que dans celle d’une néophyte de la randonnée qui voit en cet accomplissement la voie de la guérison.
Le cinéaste québécois fait une fois de plus appel à l’oeil magique du directeur photo Yves Bélanger qui montre les panoramas magnifiques tout au long du PCT. Paysages grandioses qui contrastent avec le mal-être du personnage de Cheryl. Dans les moments de grandes solitudes et d’exaspération, la nature semble toujours présente pour mettre en perspective ses ennuis. Parfois écrasée par son sac à dos rempli de bagages douteux et inutiles et sous la caméra de Vallée et de Bélanger, l’auteure de best-sellers en devenir goûte également à la grande liberté qui s’offre à elle.
Un peu à la manière de Sean Penn alors qu’il réalisait Into the Wild en 2007, Jean-Marc Vallée met l’accent avec Wild sur les personnages secondaires de l’histoire (dont certains frôlent la caricature), sans qui, il n’y aurait tout simplement pas de récit. S’il existe des bêtes sauvages parmi les hommes, il y a encore de bonnes âmes sur qui Cheryl peut compter, et ce, dans le but de survivre. À court de nourriture, elle fera la rencontre d’un homme et de sa femme qui l’aideront pour une nuit. Scène anecdotique du film, mais qui en dit beaucoup sur la nature humaine.
Bien que le scénario soit sinueux et escarpé par moments, sans faire d’analogie trop manifeste avec le PCT, Jean-Marc Vallée parvient à faire des allées et venues entre le passé trouble de sa protagoniste et le moment présent. À l’aide de passages cézanniens qui s’expriment par la trame musicale les espaces temporels demeurent limpides et homogènes malgré tout. Ces liaisons sont la preuve que Cheryl est incapable de lâcher prise en ce qui concerne la mort prématurée de sa mère. La passion pour la musique du cinéaste est maintenant connue, mais il semble s’être assagi avec Wild. Il modère la quantité de musique présente pour mettre l’accent sur la chanson El Condor Pasa (If I Could) du groupe Simon & Garfunkel, mélodie à la fois mystique et très ancrée dans la réalité de Cheryl et qui la guidera d’ailleurs tout au long de sa randonnée emblématique. «I‘d rather be a hammer than a nail», est la réplique qui ouvre le film et donne le ton à l’entièreté de Wild. Une ritournelle qui, par ses paroles et par le rôle qui lui a conféré Jean-Marc Vallée, hante le spectateur pour longtemps. Lui donnant presque envie de sacrifier ses orteils et ses pieds dans une randonnée plus grande que nature.
Trois mois pour tracer une croix sur son passé semble très enviable à ce point.
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de la rédaction