«Citizenfour», le plus récent documentaire de la journaliste Laura Poitras

Citizenfour est le dernier volet de la trilogie de Laura Poitras sur l’Amérique après le 11 septembre, qui avait débuté avec My Country, My Country (2006), sur la guerre en Irak, suivi de The Oath (2010), une incursion dans la prison de Guantanamo. Avec Citizenfour, la réalisatrice nous convie à une épopée journalistique extraordinaire. Des premiers courriels échangés entre elle et celui qui signait ses messages du pseudonyme Citizenfour, à la rencontre avec Glenn Greenwald, journaliste pour The Guardian, jusqu’aux publications des articles qui auront l’effet d’une bombe aux États-Unis et dans le monde entier. On sent l’effet d’urgence de Laura Poitras de tout filmer, de ne rien manquer et de laisser la parole à Snowden, comme il se doit.

Dans un presque huis clos, Laura Poitras, qui s’intéressait d’ores et déjà aux pratiques de la NSA avant de rencontrer sa source, suit dans la petitesse de la chambre à Hong Kong où se sont déroulées les entrevues Edward Snowden, traqué par les autorités américaines à la suite de ses dénonciations. C’est néanmoins en toute connaissance de cause que cet informaticien de profession, qui a travaillé notamment pour la CIA, a persisté dans son désir de faire prendre conscience au monde du degré de gravité des secrets de la NSA. Au nom de la lutte au terrorisme, l’agence américaine s’est donné le droit de mettre sur écoute téléphonique des milliers, voire des millions d’abonnés de la compagnie de télécommunication Verizon, en plus d’enregistrer les données de Google, d’Amazon et d’Apple, pour ne nommer que ces trois entreprises. La ligne devient donc très mince entre la protection au détriment des libertés civiles. Et c’est ce que Snowden déplore. En témoignant, il donne le choix aux citoyens de décider de cette limite trouble. 

À la question que poseront Laura Poitras et Glen Greenwald concernant le pourquoi des agissements de Snowden, le lanceur d’alerte répondra tout simplement qu’en qualité d’être humain, il ne pouvait tout simplement pas taire les informations qu’il détenait. Grand critique des médias actuels, il réprouve la manière dont ils mettent l’accent sur les personnalités publiques au lieu d’élaborer sur l’histoire qui fait la nouvelle. Il réitèrera à plusieurs reprises, tout au long du documentaire, que le film n’est pas sur lui, bien que malgré tout, cette saga des écoutes illégales en fait un des principaux protagonistes. Laura Poitras réussit toutefois un travail journalistique extraordinaire en faisant fi du sensationnalisme.

Edward Snowden est partie prenante du scandale de la NSA, mais la nouvelle dépasse l’homme. Citizenfour est un cri d’alarme sur la fragilité de nos libertés. C’est aussi un hymne au travail des journalistes, qui n’auront jamais autant été les chiens de garde de la démocratie que dans cette histoire aux allures de Watergate.