Revenir de loin: «Thomas Hellman chante Roland Giguère» – Bible urbaine

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Revenir de loin: «Thomas Hellman chante Roland Giguère»

Revenir de loin: «Thomas Hellman chante Roland Giguère»

Publié le 27 novembre 2012 par Luba Markovskaia

Lundi le 26 novembre, Thomas Hellman lançait, devant un petit groupe d’admirateurs et amis, au théâtre de Quat’Sous, le fruit de son dernier projet musical et littéraire, un livre audio de chansons adaptées de la poésie de Roland Giguère, paru, comme il se doit, aux éditions de l’Hexagone, l’éditeur du grand poète, peintre et graveur québécois. 

En duo avec son contrebassiste, Thomas Hellman n’en offre pas moins un univers musical complet (banjo, guitare, voix, harmonica, ukulélé), le temps de quelques chansons qui rendent bien la variété musicale qu’offre son opus acoustique. Son entreprise est cautionnée par les complices du défunt poète, Marthe Gonneville, sa veuve, et Jean Royer, son éditeur, qui l’applaudissent chaudement. Et pour cause, car il s’agit d’un projet de passionné, visiblement soutenu par une équipe éditoriale, musicale et artistique qui y a cru. 

Le produit de ce travail commun est un magnifique petit livre d’art au graphisme remarquable, où se côtoient textes, dessins et sérigraphies de Giguère, qui accompagne le disque. Ce format redonne toute sa matérialité à l’écoute d’une œuvre et impose de retrouver la lenteur de la découverte, le plaisir du toucher. Il s’agit en effet d’une œuvre qui sollicite la plus grande attention, voire l’abandon, qui se fait total dès les premiers accords.

La mise en musique des poèmes est faite en douceur; les mots semblent portés comme naturellement par les arrangements de Hellman et par sa voix chaude. S’il arrange quelque peu les textes, il demeure d’un grand respect pour leur disposition typographique, en introduisant des silences dans son interprétation là où il y a des blancs dans les poèmes. Dans «Les heures lentes», en particulier, la musique rend tout à fait le rythme interne de la poésie. 

Côté instrumental, pour les balades, il est surtout en formation trio: cordes pincées (guitare, banjo, ukulélé), piano (soit par Jonathan Cayer, dont le style pianistique rappelle celui d’un Richard Desjardins, soit par lui-même, dans un style un peu plus percussif à la Satie) et contrebasse, avec l’omniprésent et indispensable Sage Reynolds. Les pièces plus percussives, comme «Les Démunis» ou «Le Grand jour» rappellent davantage l’interprétation rythmée que font les Charbonniers de l’enfer d’un poème de Roland Giguère, «Faire terre». On appréciera également les deux poèmes récités, «Sur notre île» en duo parlé avec Évelyne de la Chenelière et «Seul jour» avec un superbe accompagnement piano-guitare.

Thomas Hellman chante Roland Giguère est un projet qui, tout en étant des plus actuels, nous ramène discrètement en arrière: vers la poésie de Giguère, bien sûr, mais aussi vers une autre époque des éditions de l’Hexagone, vers un format oublié, le livre audio, vers la matérialité irremplaçable du livre et de la pochette, vers une lenteur un peu délaissée, avec ce disque aux plages bien espacées et au son acoustique épuré. Après une telle expérience d’écoute, on a simplement envie de dire merci à ce créateur qui n’en finit plus de rendre grâce à ceux qui l’ont précédé.

 Appréciation: ***** 

Crédit photo: Les Éditions de l’Hexagone

Écrit par: Luba Markovskaia

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