LittératureRomans québécois
Jocelyne Saucier, auteure qui nous vient de la grande Abitibi, a littéralement fait un tabac avec son dernier roman Il pleuvait des oiseaux, paru l’an dernier aux éditions XYZ. Première Québécoise à remporter le prix des Cinq continents de l’Organisation internationale de la Francophonie, elle s’est vue décerner, en octobre dernier, le Prix littéraire France-Québec 2012. Compte-rendu d’une histoire née des cendres des forêts canadiennes et qui a su traverser les imaginaires.
Roman d’une grande intelligence, Jocelyne Saucier nous présente, avec Il pleuvait des oiseaux, un récit sensible mais intraitable, qui s’ancre profondément dans le souvenir des Grands Feux du nord de l’Ontario qui ont ravagé terres et hommes au début du XXe siècle. Sur ces faits historiques reposent les fondations d’un récit qui interroge les fils ténus entre la fiction et le réel.
Saucier nous présente la quête d’une photographe chevronnée à la recherche d’un certain Ted Boychuck, témoin hermétique des incendies. Cette chasse la mène dans les parages d’une communauté hors du temps et des lois: des vieux, des chiens et des boîtes de sel pour décider du dernier jour. Ces hommes des bois – qui ont malheureusement enterré Boychuck il y a quelques jours – ont divorcé de la société. Ils bricolent, ils badinent, mais sont oubliés de tous. Et puis, dans cet univers qui se suffit de lui-même, survient un petit oiseau, cette Marie-Desneige, qui revient tranquillement du monde des fous. Ensemble, avec les allers et retours de la photographe, ils formeront une communauté, la communauté du lac, dont les individus ont abandonné leur identité civile pour enfin vivre et célébrer la vieillesse.
Tout est propice à susciter de beaux jeux entre les souvenirs, les fantômes et les démons qui peuplent le parcours des personnages. Mais avant tout, Saucier nous montre, dans son roman, une belle leçon de solidarité. Les personnages sont unis dans une lutte pour la liberté, mais une liberté-prison qui les tient captifs de leurs peurs et leurs secrets. Et Boychuk dans tout ça? Prisonnier des incendies, il s’est échappé dans l’abstraction des coups de pinceau, mais il n’est malheureusement plus là pour en témoigner. Seuls de grands tableaux, des œuvres violentées, traumatisées, peuvent satisfaire la curiosité de la photographe à son sujet.
Richement construit, le roman de Saucier brille par sa cohésion. L’auteure investit de lourds propos : la vieillesse, la mort, la rupture, la liberté… Mais tout est baigné d’une grande lumière. Il pleuvait des oiseaux – très beau titre d’ailleurs – est le type de roman qui nous rend meilleur, si ce n’est que par l’audace des réflexions qu’il propose.
Appréciation: ****
Crédit photo: Les Éditions XYZ
Écrit par: Catherine Groleau