CinémaEntrevues
Crédit photo : Isabelle Courville
Mêmes règles, même patinoire, même désir brûlant de faire des buts. Le hockey féminin n’est pas tant différent de celui que pratique la sainte flanelle. Mais il est beaucoup moins connu, voire oublié des projecteurs médiatiques. Et ce n’est sûrement pas en raison d’un niveau plus faible. À observer les filles qui s’évertuent à ce que l’on s’intéresse à leur sport dans le documentaire de la réalisatrice Jessica Desjardins, Les Stars (nom de l’équipe montréalaise), on est loin des joutes de ringuette entre fillettes de sixième année.
«Le but était de filmer des filles qui jouent au hockey et qui sont passionnées. Je voulais montrer à quel point il y a un grand manque de reconnaissance et de visibilité pour cette équipe. Elle est toujours dans l’ombre du Canadien de Montréal», se désole Jessica, qui entame la dernière ligne droite avant d’être détentrice d’un baccalauréat en cinéma de l’Université du Québec à Montréal. La cinéaste de 29 ans a toujours été attirée par les arts. Musicienne à ses heures, compositrice à temps perdu, la carrière artistique fait partie de ses projets d’avenir depuis longtemps. Mais rien ne la prédestinait à s’intéresser au hockey de manière aussi engagée que pour Les Stars. Un beau fruit du hasard.
«Je n’avais aucune connaissance du hockey, et encore moins du hockey féminin, explique-t-elle, encore surprise. Un jour, on m’a emmené voir un match de hockey féminin et j’y ai pris des photos. J’ai adoré le style de jeu. Ce n’est pas violent, c’est stratégique et les filles sont d’une grande élégance sur la glace. Il n’y a pas de bataille de testostérone!» C’est alors qu’une des bénévoles de l’équipe la remarque et lui propose de devenir photographe pour l’équipe, ce qu’elle accepte. De Toronto à Boston, la cinéaste a suivi l’équipe armée de son appareil photo pendant une saison entière. «Je me suis aperçue que les filles n’étaient pas juste des hockeyeuses» se souvient-elle. Interpellée par cet univers particulier où se mêlent compétition féroce et solidarité féminine, l’idée de produire un documentaire a commencé à germer.
«Initialement, on voulait suivre les joueuses de l’équipe olympique en préparation pour les Jeux de Sotchi, poursuit Jessica Desjardins. Mais en raison des contraintes beaucoup trop nombreuses, le projet est tombé à l’eau. C’était difficile d’avoir accès aux joueuses, on ne pouvait les filmer que de loin. Et moi je voulais un résultat beaucoup plus intime.» Résultat auquel elle est parvenue avec brio avec Les Stars. Le film suit l’équipe montréalaise de hockey féminin au fil d’une saison. L’on partage avec les filles les victoires, mais également les entraînements difficiles et leur capacité hors du commun à allier travail, famille… et hockey. Car avoir sa place dans un vestiaire où l’oestrogène est maître coûte cher. À l’inverse du sport pratiqué par les Glorieux.
«Il faut que le hockey masculin cède un peu la place pour que les équipes féminines puissent jouer réellement. Les Maple Leafs de Toronto par exemple aident financièrement et logistiquement l’équipe des Furies [le pendant féminin], explique-t-elle. On souhaite que le CH aide les Stars de la même façon. Il y a de la place pour tout le monde.»
Le FNC après les bancs d’école
En plus d’avoir réalisé d’autres courts-métrages dans le cadre de son programme universitaire, Jessica Desjardins a une formation en enregistrement sonore. C’est d’ailleurs en étudiant à l’Institut d’enregistrement du Canada qu’elle a découvert qu’elle pouvait marier le son et le cinéma. Et c’est par le truchement du son qu’elle a pu entrer en cinéma à l’UQÀM.
«Le FNC c’est une belle carte de visite et un bon tremplin surtout pour un étudiant qui vient de terminer son baccalauréat», répond-elle en espérant les multiples rencontres et nouveaux projets qu’elle pourrait dégoter tout au long du festival. Loin d’être craintive par l’avenir souvent incertain des jeunes créateurs, elle embrasse plutôt le vide qui n’en est pas un pour celle qui est sans cesse à la recherche d’un projet à se mettre sous la dent. «Il faut que tu te prouves quand tu fais de l’art», dit-elle. Et Les Stars prouve à merveille toute l’étendue de son talent et de son ambition. Une réalisatrice à surveiller.
«Les Stars» est présenté le 17 octobre à 13h à la Salle J.A De Sèves de l’Université Concordia.
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