«La maison d’une autre» de François Gilbert – Bible urbaine

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«La maison d’une autre» de François Gilbert

«La maison d’une autre» de François Gilbert

Fissurer sa personnalité pour découvrir son vrai visage

Publié le 26 octobre 2014 par Éric Dumais

Crédit photo : Leméac Éditeur

Femme au foyer, Nanami vit un quotidien aussi gris que celui qu’a dû endurer la Mme Bovary de Flaubert dans cette construction récente à l’intérieur de laquelle elle vient d’emménager avec l’architecte Hirosuke, homme honnête mais routinier qu’elle épousera dans moins d’une semaine. Mais un coup de fil insidieux d’Olivier, un ex-amant et sadomasochiste désaxé, changera le cours de sa destinée alors qu’elle se retrouvera volontairement impliquée dans une histoire de meurtre, comme si une part d’elle-même ne pouvait résister à l’envie de franchir l’interdit pour suivre le cours de ses pulsions les plus noires.

L’écrivain François Gilbert, promis à un brillant avenir en tant qu’écrivain avec Coma (2012), grâce auquel il a remporté le prix Canada-Japon, en plus d’avoir été finaliste au Grand Prix littéraire Archambault, a mis les bouchées doubles afin de surprendre ses lecteurs avec un nouveau thriller asiatique où la psychologie torturée du protagoniste occupe tout l’espace narratif. À l’instar des Québécois Richard Ste-Marie et Ying Chen, François Gilbert arrive, avec une incursion prolongée dans la tête de Nanami, à livrer une œuvre sensible et déstabilisante qui nous entraîne dans l’univers fragmenté d’une femme de 24 ans pour qui la vie ne tient qu’à un fil et pour qui l’arrivée d’un évènement déstabilisateur suffira pour qu’elle dérape et s’enfonce dans un univers de mensonges et de faux semblants.

Et c’est justement cette descente aux enfers que le lecteur subit en même temps qu’elle, mais tout comme Mme Bovary, Nanami est incapable d’enfoncer le bouton d’arrêt et de calmer ses pulsions dévastatrices. Malgré cette voix suppliante qui l’incite à penser à son mariage, à Hirosuke, à cette vie heureuse à laquelle elle est promise, une force intérieure, malsaine celle-là, l’oblige à répondre positivement à l’appel désespéré d’Olivier et à devenir complice d’un meurtre qu’elle n’a pourtant pas commis. C’est ainsi qu’elle va dissimuler chez elle, dans un congélateur au sous-sol, le corps de cette pauvre prostituée étranglée lors d’une séance de bondage qui a mal viré et qu’elle va devoir héberger, aux dépens de son mari, son ex-amant qui n’a pas la force de subir les conséquences de ses actes. Mais pourquoi Nanami s’entête-t-elle à venir en aide à un meurtrier? Quelle expérience crois-t-elle en retirer?

Il y a certainement un peu de sa passion pour les polars et romans noirs qui la pousse à franchir l’interdit et à s’enfoncer tête première dans le crime, sans oublier les fissures de sa personnalité qui s’agrandissent au fil des jours qui passent. Quel est donc ce nouveau visage que Nanami découvre en même temps que le lecteur? À nouveau, François Gilbert maîtrise l’art du déguisement et sert un nouveau récit superbement écrit où un mur de questionnements se dresse entre le récit et le lecteur. À vous de l’escalader si vous êtes curieux de découvrir les mystères qui s’y rattachent.

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