LittératureDans la peau de
Crédit photo : Julie Artacho
Ariane, c’est notre toute première discussion à vie ! On te souhaite la bienvenue à cette série d’entrevues ! Toi qui as toujours eu une affection particulière pour les mots, et leur sonorité, tu as étudié en lettres françaises, en traduction, en révision et en création littéraire. Parle-nous brièvement de ton parcours scolaire, et dis-nous également quel est le métier dont tu rêvais lorsque tu étais petite fille.
«Merci! Et oh, là, là! J’ai fait mon baccalauréat à Ottawa, puis ma maîtrise et mes certificats à Québec. Or, ce n’étaient pas des études linéaires: j’ai été un an sur le marché du travail et j’ai pris une année sabbatique.»
«Je me suis interrogée maintes fois quant à la voie à prendre, parce que je n’arrivais pas à devenir primo-romancière, et tous les domaines liés aux lettres commençaient à me faire mal, me rappelant ce rêve qui ne voulait pas devenir. Je songeais à bifurquer de carrière en relation d’aide, mais j’ai fini par m’inscrire en édition, mon programme d’études actuel.»
«Pour tout vous dire, je n’ai jamais changé de vocation: depuis mes 10 ans, je souhaitais devenir écrivaine et vivre de ma plume. Aujourd’hui, je maintiens ce désir, mais je me dois d’avoir un emploi gagne-pain au cas où le miracle de l’auteure autosuffisante ne se produirait jamais.»
Tu es malentendante de naissance et, en grandissant, tu as toujours cherché, en vain, des modèles positifs de personnes vivant elles aussi avec une surdité. Pour ceux et celles qui n’ont pas ce handicap, ce n’est pas si évident de bien comprendre les enjeux avec lesquels tu as dû jongler. Veux-tu nous partager les défis auxquels tu as été confronté?
«La liste est trop longue, mais c’est vraiment tout ce qui a trait à la parole. Toute communication verbale est un texte à trous, avec ou sans bruit de fond.»
«Les dictées au primaire. Le service à la clientèle que je ne peux pas toujours avoir par courriel. Les sous-titres qu’il me faut absolument pour suivre un film, peu importe la langue… Je n’entends pas la sonnette d’un cycliste qui veut me dépasser sur le trottoir. Pour des cours de natation, je devais fonctionner sans mes appareils, car ils ne vont pas dans l’eau. Le son était tellement flou, il y avait des cris partout qui résonnaient en écho. Pour apprendre, j’imitais et je passais en dernier, si possible. J’étais et je suis toujours très visuelle.»
«C’est également grâce à la lecture que j’ai pu convenablement apprendre l’anglais.»
Tu t’es vite rendu compte, en consultant les rayons de livres jeunesse dans les librairies, que le thème de la surdité n’avait pas tellement été exploré de manière réaliste en littérature. C’est, entre autres, ce qui t’a donné l’élan de te lancer comme auteure avec un premier roman, Déchiffrer la tempête, où tu offres une incursion fascinante dans l’univers des troubles auditifs. À travers cette histoire, on fait la connaissance de Noah, 15 ans, un jeune homme qui devra désormais porter des appareils auditifs après avoir vécu un choc sonore dont son ouïe ne se remettra pas après un concert… Ouch. Dis-nous comment t’est venue l’inspiration pour cette histoire, on est curieux d’en savoir plus!
«L’inspiration m’est venue le 30 janvier 2019, tandis que je travaillais à l’Association des personnes avec une déficience de l’audition à Québec. Je faisais une activité de bricolage avec mes collègues; j’avais mis mon désir de publier un livre sur un tableau de visualisation et, en feuilletant les pages de magazines à découper, j’avais trouvé des images en lien avec la surdité. C’est comme ça que j’ai décidé d’écrire Déchiffrer la tempête.»
«Par contre, je voulais écrire sur la surdité, mais pas sur la mienne. Je ne voulais pas écrire mon histoire, alors j’ai fait une recherche sur différents types de surdité et j’ai sélectionné celle induite par le bruit.»
«Je me suis également inspirée de ce que je n’étais pas ou que je n’aimais pas pour rendre le narrateur contraire à moi: un gars, fervent de sport compétitif, extraverti, qui aime les fêtes…»
Et pourquoi avoir choisi de t’adresser plus particulièrement à un public de jeunes adolescents?
«Parce que ma propre adolescence était difficile. J’étais invisible, rejetée par mes pairs, et les livres m’étaient d’un grand réconfort. Je voulais redonner aux autres les bienfaits que je soutirais de la lecture.»
«J’ai ainsi grandi en voulant aider les jeunes de mon âge par le biais de la littérature, en espérant leur enlever un peu de douleur par un texte qui les ferait se sentir compris ou qui les entraînerait dans un autre monde afin qu’ils aient un répit de leur réalité un instant.»
«La littérature était pour moi une médecine. J’étais l’élève qui se faisait confisquer son livre en classe plutôt que son cellulaire!»
Maintenant, on peut dire avec fierté qu’il y a enfin un premier roman sur le sujet, et celui-ci saura assurément rejoindre son public et lui donner le courage nécessaire pour surmonter les épreuves, à son tour! Et si on te demandait, à brûle-pourpoint, quel pourrait être le prochain thème de ton second roman, en aurais-tu une petite idée, même minuscule?
«Tout ce que je me réduis à dire, c’est que ce sera fort probablement du fantastique tiré d’une mythologie européenne.»
«Mon prochain roman sera le premier tome d’une trilogie jeunesse que je travaille depuis 15 ans. Si ce n’est pas du fantastique, ce sera sans doute du littéraire poétique (autofiction), ou encore du réalisme (fictif) jeunesse.»
«Ça dépend de quel projet d’écriture je terminerai en premier (une trilogie ou un tome unique?)»