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Crédit photo : Open Road Films
Satire caustique du journalisme 2.0 et d’une industrie qui carbure plus souvent au scandale qu’à l’intérêt public, ce premier long-métrage de Dan Gilroy raconte les tribulations nocturnes de Lou Bloom (Jake Gyllenhaal), petit larron survivaliste en quête de réussite sociale. Témoin d’un violent accident routier, son ticket d’or vers le succès lui apparaît comme une illumination divine alors qu’il observe une équipe de caméramans exaltés débarquer en trombe sur les lieux du crash. Le soir même, il se munit d’un caméscope bon marché et d’un scanneur de fréquences policières et s’auto-promeut journaliste indépendant. Avide de capturer les scènes de crime les plus cuisantes et les catastrophes les plus spectaculaires en vue de revendre les images au réseau de télévision le plus offrant, il sillonne les rues comme un véritable prédateur attiré par l’odeur du sang… et devient rapidement le meilleur chasseur de gyrophares de la ville.
Après avoir honoré Denis Villeneuve de ses impeccables performances dans Prisoners et Enemy, Gyllenhaal prouve encore que les rôles de «beau gosse standardisé» sont loin derrière lui et que son art appartient plutôt à ces personnages complexes et mystérieux qui semblent si bien lui coller à la peau. Une vingtaine de livres en moins, le visage effilé et le regard plus pénétrant que jamais, il porte le film sur ses épaules et repousse une fois de plus les limites de son talent en incarnant un parfait anti-héros de l’ère contemporaine. Symbole du rêve américain dans tout ce qu’il a de plus pernicieux, le personnage de Lou Bloom est un monomaniaque, un sociopathe sans scrupules et un faux charmeur, un être exécrable qui, ironiquement, est un absolu plaisir à découvrir.
Ainsi, la plus grande vertu du film de Gilroy réside sans contredit en ce fascinant protagoniste, quoiqu’il ne s’agisse pas de son unique qualité. Sous l’œil compétent de son directeur de la photographie (Robert Elswit, oscarisé en 2008 pour There Will Be Blood de Paul Thomas Anderson), il offre aussi un superbe tableau de la ville de Los Angeles, si présente et si vibrante malgré la noirceur qu’elle en est presque un personnage à part entière. Riche en humour et en scènes d’action – dont une spectaculaire poursuite en voiture qui n’aurait rien à envier aux James Bond de ce monde –, Nightcrawler est un divertissement de grande qualité, mais faisant défaut dans son pan satirique, qui manque de raffinement.
«Nightcrawler» sera présenté ce soir à 20h30 au Théâtre Hall de l’Université Concordia (dans le cadre du Festival du nouveau cinéma) et prend l’affiche le 31 octobre.
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de la rédaction