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Crédit photo : Mathieu Pothier
L’expression «Une image vaut mille mots» prend tout son sens lorsqu’on observe les nombreux clichés étalés entre les murs du Marché Bonsecours, situé rue Saint-Paul Est dans le Vieux-Montréal.
Qu’ils se retrouvent seuls ou qu’ils fassent partie d’une série, tous les clichés témoignent des moments marquants de 2023 et représentent une vitrine exceptionnelle sur le monde qui nous entoure.
Les mots qui les accompagnent, quant à eux, permettent de bien saisir les enjeux auxquels font face notre planète ainsi que les humains qui l’habitent.
Le deuil en images
La photo de l’année, «A Palestinian Woman Embraces the Body of Her Niece», est particulièrement touchante. Elle est le résultat du conflit israélo-palestinien qui fait actuellement partie intégrante de l’actualité et qui dure depuis 75 ans.
Le photographe Mohammed Salem a capté la scène à la morgue d’un hôpital dans la Bande de Gaza quelques jours seulement après la naissance de son enfant.
L’image montre une femme voilée qui tient dans ses bras le corps inerte de sa nièce de cinq ans recouverte d’un drap blanc. Cette dernière a été tuée aux côtés de sa mère et de sa sœur par un missile israélien.
Une photo d’Adem Altan de l’Agence France-Presse, intitulée «A Father’s Pain», présente quant à elle les dommages causés par le tremblement de terre de magnitude 7,8 sur l’échelle de Richter qui a frappé les provinces de Kahramanmaras et de Gaziantep le 6 février dernier, en Turquie.
On y voit un homme, assis au milieu des décombres, tenant la main d’une personne ensevelie presque en entier sous les débris. Seule sa main est visible.
On apprend en lisant les mots qui accompagnent la photographie que cet homme, qui se nomme Hançer, n’avait pas de nouvelles de sa plus jeune fille, Irmak, qui avait passé la nuit chez sa grand-mère. En se rendant à l’endroit où habitait sa mère, il a découvert que l’adolescente de 15 ans était décédée lorsque l’immeuble de huit étages s’était effondré sur elle lors des secousses du séisme.
Le photographe, qui était sur place avant l’arrivée des secours, a remarqué que malgré la pluie et le froid glacial, Hançer ne bougeait pas. En l’apercevant, l’homme lui a ordonné de prendre des photos de son enfant, ce qu’il a fait.
L’une d’entre elles (celle qui est actuellement présentée au World Press Photo Montréal) a fait la une de nombreux journaux, en plus de devenir virale sur les réseaux sociaux. Elle est désormais connue comme étant un symbole de la tragédie.
La misère humaine ébranle
Une série de photos d’Ebrahim Noroozi ayant pour titre «Afghanistan on the Edge» relate les nombreuses difficultés vécues par les Afghans.
Certaines d’entre elles sont directement liées à l’économie défaillante du pays, ébranlée par la guerre et par le retrait presque complet de l’aide humanitaire, en plus d’être exacerbée par les catastrophes naturelles.
En conséquence, quatre millions de personnes souffrent aujourd’hui de malnutrition au pays, dont 3,2 millions d’enfants.
Une image en particulier marque les esprits. Elle montre trois jeunes garçons réunis autour d’une personne qui tient une pomme dans ses mains. L’attention est dirigée vers le visage des enfants, qui ont l’air stupéfaits de voir le fruit rouge devant eux.
Le texte nous indique que leur mère a dû mendier pour le ramener à la maison.
Un enjeu québécois
Pour la deuxième fois seulement depuis sa création, un Québécois a été sélectionné parmi les vainqueurs du World Press Photo. Il s’agit du photographe documentaire Charles-Frédérick Ouellet.
Ce dernier avait soumis une série d’images captées à l’été 2023 au moment où les feux de forêt faisaient rage dans la province.
L’une d’elles, nommée «A Day in the Life of a Quebec Fire Crew», a retenu l’attention des membres du jury.
On y observe un combattant auxiliaire, Théo Dagnaud, qui se trouve debout sur un rocher afin de s’assurer que le sol autour de lui ne représente plus une menace.
D’immenses feux de forêt, alimentés par des températures élevées et par le manque de précipitations, ont touché les treize provinces et territoires du Canada en 2023, et plus particulièrement le Nord-du-Québec.
Cette saison caniculaire a battu tous les records et s’est étendue sur une période prolongée, brûlant près de trois fois plus de terres qu’à l’habitude. Le Québec a été fortement touché, avec 5,2 millions d’hectares brûlés, ce qui a forcé 14 000 personnes à évacuer leur domicile.
Une série à l’approche moderne
Une série de photographies portant sur l’Ukraine adopte la forme créative d’un journal intime. Intitulée «War Is Personal», elle vise à mettre en lumière le quotidien des Ukrainiens, qui subissent les attaques incessantes de la Russie depuis février 2022.
Ce projet Web, mis en images par la photographe ukrainienne Julia Kochetova, combine la photo documentaire à la poésie et à la musique.
Il explore de manière efficace les effets psychologiques et émotifs ressentis par les humains qui se retrouvent au centre de ce conflit, en plus de faire ressortir non seulement la douleur, le désarroi et le deuil, mais aussi l’espoir et la résilience du peuple ukrainien.
Les visiteurs peuvent avoir un aperçu des pensées les plus profondes des habitants en lisant les messages textes (ou SMS) qui accompagnent les images, qui sont le reflet de l’ère numérique dans laquelle on vit.
Cet élément fort intéressant nous permet de créer une proximité avec les personnes touchées par la guerre et même de s’identifier à elles.