LittératureDans la peau de
Crédit photo : Alma Kismic
Louis, on te souhaite la bienvenue à cette série d’entrevues! Tu es enseignant au Cégep de Lévis où tu enseignes la littérature québécoise et la création littéraire. C’est à Lévis, surprise!, que tu as ouvert les yeux pour la première fois et, les décennies s’accumulant, tu as fait le choix de plier bagage vers la Caroline du Nord, Montréal puis Lyon! C’est seulement après plusieurs années d’errance que tu es revenu au Québec. On est curieux: est-ce que ton amour des mots est toujours aussi fort que ton désir d’évasion, ou c’est fini ce temps-là?
«Oh que non! Ça reste une nécessité. Je suis toujours ailleurs. La liste des villes et pays que j’ai visités est d’ailleurs très longue. Avec le temps, j’ai cependant compris que je pouvais avoir la bougeotte sans faire des milliers de kilomètres. Les champs de coton au cœur de la Caroline du Nord sont certes splendides, mais ils sont aussi vraiment loin!»
«Un sentier dans la vallée de la Jacques-Cartier peut éblouir tout autant que les cénotes du Quintana Roo, à la différence que je suis de retour chez moi le jour même. J’aime bien l’ailleurs parce qu’il symbolise l’inexploré.»
Le 29 août, les Éditions XYZ ont fait paraître en librairie ton tout premier roman, Hors-vivant, un livre au sein duquel tu explores «les dommages collatéraux d’une peine d’amour», tout en immergeant tes lecteurs et lectrices «dans l’atmosphère chaleureuse de la vie dans un petit village». Tout d’abord, qu’est-ce qui t’a donné l’élan de te lancer dans l’écriture d’une première œuvre de fiction, puis d’explorer la thématique de l’amour pluriel dans un contexte rural, de surcroît?
«Je pense qu’un roman repose sur plusieurs idées qui adviennent sans trop qu’on sache pourquoi. Le mystère de la création reste entier pour moi. Une chose est certaine, ne voyez pas en mon livre une œuvre d’autofiction! Je ressemble très peu à son personnage principal.»
«Hors-vivant raconte l’histoire d’un père célibataire monoparental qui affirme être un fantôme. Alors qu’il cherche à se comprendre en lisant le Catéchisme, son frère lui répond en citant le Sélection du Reader’s Digest. Si ma vie se rapprochait de ça, elle serait déjà présentée sur Netflix sous forme de téléréalité!»
«Quant à la ruralité, je souhaitais créer l’ailleurs dont je parlais plutôt. Saint-Nicolas-des-Monts n’existe pas, cela n’empêche pas qu’il ressemble à des centaines de petits villages qu’on retrouve partout au Québec. Plus un village est petit, plus le moindre événement prend de l’ampleur de façon disproportionnée. Ainsi en va-t-il de ses habitants qui sont parfois plus grands que nature.»
«Mais parce que c’est loin, parce que c’est ailleurs, cela rend plausibles l’histoire et ses personnages. La fiction devient vraie.»
Ainsi, dans ce roman dont l’histoire se déroule à Saint-Nicolas-des-Monts, un village de moins de deux mille habitants, on apprivoise Frédérick Moreau au moment où sa femme – et mère de sa fille de deux ans – le quitte. Pantois, voire carrément désœuvré, ce dernier «tente comme il peut de conjuguer son nouvel état spectral à celui de papa monoparental». Au fil des pages, on suit donc l’évolution du protagoniste qui «réapprivoisera sa condition d’être vivant et toutes les joies qui viennent avec». Parle-nous brièvement de lui, et dis-nous ce qui a bien pu pousser sa femme à claquer la porte de leur demeure aussi abruptement?
«Ah! Au début du roman, Frédérick affirme qu’il ne pouvait prévoir ce qui lui est arrivé. Enseignant au secondaire, marié à celle qui était son amoureuse depuis l’adolescence, il menait une vie tranquille. «Le heurt fut plus que brutal. Me réveiller mort! Sans avis ni notice explicative!», dit-il dès les premières pages.»
«Bien entendu, la suite du roman nous montre que les indices étaient là, et que Frédérick pratique à la perfection l’art du déni. Heureusement, son sens de l’autodérision et les gens qui l’entourent l’aideront au bon moment à s’en sortir.»
«Quant à sa femme, elle les a quittés, lui et leur fille, sans préciser où elle se trouve et s’ils la reverront un jour. Je dois dire que la cause de son départ m’a tenu l’esprit occupé pendant des mois. L’idée était de ne pas tomber dans les clichés ni me faire moralisateur. Pourquoi est-elle partie? Pour avoir réponse à cette question, il faut lire le roman.»
Avec Hors-vivant, un court roman de 272 pages qui se lit d’une traite, on est invité∙e à savourer avec délectation, s’il vous plaît!, une histoire «à la fois inspirante et réconfortante sur la force de la collectivité, alors qu’un village entier se rapaille pour ramener un mort à la vie». D’après toi, est-ce que nos lecteurs et lectrices refermeront ce livre avec le sourire, avec la tête pleine de réflexions, ou bien avec le cœur gros?
«Avec le sourire! Je n’aime pas les histoires «trop» tragiques. Le défaitisme et le cynisme me semblent faciles. L’espoir demande davantage de force, et ce, même si cela implique de vivre une sorte de purgatoire.»
«Vous l’aurez deviné, pour Frédérick, son purgatoire se fait à Saint-Nicolas-des-Monts, un village dans lequel on retrouve, entre autres, un maire barman, des trèfles à deux feuilles, une (pas si) infâme antenne 5G et une très persistante vendeuse de téléphonie cellulaire.»
«La lecture d’une telle histoire se conclut forcément dans la joie, et peut-être même avec un coucher de soleil en prime!»
Et alors, est-ce qu’on peut dire que tu as eu la piqûre de l’écriture à ton tour? En tout cas, on te souhaite le meilleur des succès avec ce roman. On se dit à bientôt?
«Après des décennies à avoir été lecteur, me voici auteur. Je me sens comme Alice qui se retrouve de l’autre côté du miroir! Cette sensation est à la fois étrange, exaltante… et pas du tout désagréable! Alors, oui, on se dit à bientôt!»